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Les trois problématiques qui préoccupaient les investisseurs en début d’année, ne sont pas plus près d’être résolues aujourd’hui qu’elles ne l’étaient cet été

Selon Mark Burgess, Chief Investment Officer EMOA et Responsable des Marchés Actions de Columbia Threadneedle Investments, les investisseurs se concentreront davantage sur les valorisations et les fondamentaux...

Les trois problématiques qui préoccupaient les investisseurs en début d’année, à savoir la date précise de la première hausse des taux de la Fed, le rythme modéré de la croissance mondiale et les incertitudes macroéconomiques persistantes en Chine, ne sont pas plus près d’être résolues aujourd’hui qu’elles ne l’étaient cet été. Aussi serait-il peut-être intéressant de revenir sur ce qui a changé, ou non, sur les marchés.

La Fed, pour sa part, a tout mis en œuvre pour tenter de maintenir le vif intérêt des investisseurs pour la réunion de politique monétaire du mois de décembre (les anticipations actuelles du marché suggèrent qu’une hausse des taux en décembre est désormais probable, alors que cette probabilité était inférieure à 30% avant la réunion du mois d’octobre). Il est toutefois encore impossible de prédire avec certitude la décision de la Fed de passer ou non à l’acte avant la fin de l’année, compte tenu notamment de la baisse saisonnière de la liquidité généralement observée sur les marchés au mois de décembre. Les détracteurs de la Fed affirmeront que le FOMC (Federal Open Market Committee) s’est montré trop transparent et que les responsables politiques se sont mis dans une impasse.

Si le FOMC lui-même hésite encore sur ce qu’il convient de faire, il est impossible pour quiconque de prédire avec précision les intentions de la Fed.

Bien que l’intervention de la banque centrale (ou, plutôt, « la non-intervention ») ait été le thème dominant dans la presse ces dernières semaines, c’est la médiocrité des chiffres économiques mondiaux qui est sans doute la plus préoccupante. La crise de Lehman remonte à plus de sept ans ; pourtant, les signes d’une reprise cyclique traditionnelle restent très peu nombreux. Les marchés sont actuellement particulièrement préoccupés par la surcapacité de la Chine et ce que cela implique non seulement pour les producteurs de matières premières et d’énergie, mais aussi pour la rentabilité industrielle dans son ensemble. Même si nous ne prévoyons pas de récession économique, il est clair qu’un certain nombre d’industries mondiales pâtissent de cette situation, qui pourrait bien s’aggraver. Parler d’une récession des bénéfices industriels peut sembler alarmiste, mais ce n’est probablement pas si loin de la vérité si vous êtes un fabricant de matériel d’exploitation minière ou d’équipements agricoles, secteurs où l’offre mondial est largement excédentaire. Si vous êtes producteur d’un produit non différencié à commercialiser, de plaques d’acier par exemple, les conditions sont particulièrement difficiles, et les entreprises font faillite.

Pourquoi la croissance mondiale est-elle aussi modérée ? L’une des explications est que, si le QE a créé les conditions nécessaires (c’est-à-dire, des taux d’intérêt proches de zéro) pour que les entreprises investissent, cela ne présente un intérêt que si celles-ci jugent qu’il existe bel et bien une demande pour les biens qu’elles produiront. Après la crise, la demande a brillé par son absence en dehors des marchés émergents. Bien sûr, et le sujet a été largement couvert, les marchés émergents sont aujourd’hui à la peine (en particulier ceux dont l’économie avait pour but d’alimenter la demande chinoise en matières premières), ce qui signifie que les perspectives de consommation mondiale sont, au mieux, timides. Dans ce contexte, sans doute n’est-il pas surprenant que les entreprises aient choisi de réduire les coûts et d’utiliser l’argent disponible pour payer les dividendes (ou dividendes exceptionnels). Dernièrement, elles ont par ailleurs fait appel à l’ingénierie financière (tels que les rachats d’actions) pour soutenir le cours de leurs actions. Dans un monde où il est difficile de générer de la croissance organique, il paraît beaucoup plus censé de racheter des actions plutôt que de s’engager dans des projets à long terme coûteux qui impliquent des dépenses en capital colossales et des rendements incertains - comme de nombreuses sociétés minières l’ont appris à leurs dépens.

La réticence des entreprises à investir n’est qu’une variable de l’équation. Lorsque les prix du pétrole se sont effondrés, nous pensions que le consommateur bénéficierait d’un dividende lié au « faible coût énergétique », mais tout ne s’est pas passé comme nous l’avions prévu. Pourquoi ? A l’instar des sociétés qui se montrent réticentes à dépenser dans des projets d’investissement de grande envergure, nous pensons que de nombreux consommateurs, reconnaissants d’avoir un emploi dans le monde de l’après-crise, ont épargné les gains qu’ils avaient réalisés grâce aux faibles prix de l’énergie.

Il est peut-être encore plus important de souligner que, malgré le resserrement des marchés de l’emploi dans des pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni, les gains salariaux ont été très modestes.

Nous ne devons pas oublier que toute une génération d’individus ayant quitté l’école ou l’université à la fin des années deux mille aura grandi sans jamais avoir connu la finance bon marché et abondante qui existait avant la crise de Lehman. La consommation par le crédit ne se redresse pas, que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs, et cela aura un impact significatif sur le niveau de croissance du PIB l’année prochaine et dans les années à venir.

En d’autres termes, l’alliance contre nature de trois éléments que sont le durcissement de la réglementation, l’augmentation des frais juridiques et la hausse des exigences en matière de capital indique que les banques de détail s’apparenteront de plus en plus à des services aux collectivités à l’avenir.

Quelles sont les implications pour les investisseurs ? D’après nos estimations, la croissance organique sera difficile à atteindre, ce qui pourrait expliquer la récente augmentation du nombre de fusions-acquisitions. Les entreprises qui ont déjà abaissé leurs bases de coûts et fait appel à l’ingénierie financière pour relever leur cours n’ont plus beaucoup d’autres cartes à jouer. En effet, l’intensification des fusions-acquisitions et le fait que les entreprises soient devenues plus créatives dans la gestion de leurs bilans a entraîné récemment une détérioration des fondamentaux de crédit aux Etats-Unis.

La probabilité d’une croissance modérée laisse entendre que les taux d’intérêt resteront faibles pendant une période prolongée. En effet, le taux final des fonds fédéraux pour le cycle pourrait être de 2% seulement. Sur le papier, cette situation est favorable aux obligations, mais il est difficile de s’enthousiasmer pour les obligations d’Etat compte tenu des niveaux de rendements actuels et du relèvement des taux imminent de la Fed. Pourtant, les obligations européennes à haut rendement semblent intéressantes compte tenu de l’important écart de rendement par rapport aux obligations d’Etat et du fait que la classe d’actifs bénéficie généralement des fusions-acquisitions, contrairement au segment investment grade.

Un faible taux d’actualisation est, en théorie, un facteur positif majeur pour les actions, mais toutes les problématiques abordées plus-haut suggèrent que la croissance économique - et donc les revenus - devrait être plus faible que ce qu’elle aurait pu être si une part de l’excédent de capacité mondiale de production avait été utilisée. Nous pensons qu’une approche sélective des actions sera rentable, en particulier dans la mesure où les inquiétudes au sujet de la croissance chinoise ne devraient pas s’apaiser de sitôt.

Nous pensons également que les investisseurs se concentreront davantage sur les valorisations et les fondamentaux, car la liquidité mondiale continue de s’estomper et, dans un tel environnement, les investisseurs devront être prêts à faire face à des déceptions propres à chaque action.

A l’avenir, la Fed ne soutiendra pas les marchés actions et, même s’il est probable que la BCE prenne de nouvelles mesures d’assouplissement quantitatif, il ne s’agira plus d’une marée montante mondiale de QE qui soulève tous les bateaux.

Mark Burgess , Novembre 2015

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