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Les obligations hypothécaires américaines ne méritent plus leur mauvaise réputation

Flavio Carpenzano, Senior Portfolio Manager, Fixed Income chez AllianceBernstein (AB) plaide en faveur de cette catégorie d’actifs. Dotée d’une faible sensibilité aux taux d’intérêt bas et d’un rendement courant élevé, elle est actuellement peu courue par les investisseurs.

Le titre de cet article va probablement replonger nombre de nos lecteurs dans les sombres années 2007 et 2008.

Certains s’en amuseront tout en s’offusquant (à moitié), des faits relatés par Michael Lewis dans son bestseller « Le casse du siècle », notamment au sujet des prêts dits « ninja ». Pas de revenu, pas de travail, pas d’actifs.

Certaines anecdotes pourtant parlantes ne font pas les gros titres, notamment celles évoquées par l’ancien président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke. En 2014, celui-ci a tenté de renégocier un prêt hypothécaire pour bénéficier d’un taux moins élevé. Il avait alors quitté la Fed et souhaitait procéder au refinancement d’un prêt d’un montant non négligeable. Mais son projet n’a pas abouti car il était désormais devenu un profil à risque pour le système bancaire. Ce type de mésaventure illustre, pour le moins, l’un des aspects positifs de l’évolution du marché hypothécaire américain. D’autres éléments devraient nous inciter à porter un regard neuf sur ces obligations hypothécaires. Après tout, les investisseurs sont nombreux à avoir récemment retrouvé leur appétit pour les investissements des sociétés financières. Ces dernières ont pourtant été des acteurs centraux de la crise financière et se sont à nouveau immiscées dans les portefeuilles d’investissement par le biais des actions et de la dette.

Identifions tout d’abord les traits qui distinguent la situation actuelle de la conjoncture des années qui ont précédé et suivi l’année 2008. Avant la crise financière, les prix de l’immobilier résidentiel ont connu une hausse rapide et les établissements prêteurs ont été nombreux à miser sur cette tendance. À l’heure actuelle, les prix de l’immobilier sont également en hausse, mais cette augmentation, nettement moins marquée, résulte d’une pénurie. Il est de plus très improbable que, comme dans les années 2000, la demande devienne pléthorique sous l’effet de la spéculation.

Fait important, le marché est particulièrement en bonne santé. L’indice NAR, qui mesure le degré d’accessibilité de l’immobilier résidentiel, est plus élevé qu’il ne l’a jamais été entre 1995 et 2008.

En moyenne, les emprunteurs américains dépensent actuellement moins de 18 % de leur revenu en remboursement de leurs prêts immobiliers, contre 26 % en 2006. Cette évolution est directement imputable à la faiblesse du taux de chômage du pays et au fait que les emprunteurs bénéficient de taux d’intérêt particulièrement bas. De plus, les perspectives pour 2018 restent positives dans un contexte économique favorable qui ne devrait pas souffrir du resserrement progressif de la politique monétaire.

Les conditions de l’accès au financement du logement restent strictes. Nombre de banques commerciales ont abandonné ce secteur, notamment celles qui accordaient des prêts hypothécaires aux emprunteurs à risque avant la crise financière, c’est-à-dire aux candidats à l’emprunt qui ne satisfaisaient pas aux critères fixés par les établissements publics Fannie Mae et Freddie Mac. Ces emprunts hypothécaires étaient problématiques à plusieurs titres : la somme empruntée était excessive, la dette contractée disproportionnée et/ou l’emprunteur peu susceptible de payer ses échéances. Ces prêts ont ensuite été regroupés dans des obligations baptisées créances hypothécaires commerciales ou désignées par l’acronyme anglais RMBS (Retail Mortgage-Backed Securities). Nous sommes tous au fait des conséquences de l’éclatement de cette bulle immobilière.

Les normes relatives aux prêts hypothécaires étaient trop laxistes durant les années qui ont précédé la crise financière. Selon Bernanke, celles-ci ont été drastiquement renforcées a posteriori, une opinion confortée par le pointage FICO des prêts accordés. Ce score, compris entre 300 et 850, mesure notamment la solvabilité des emprunteurs en tenant compte de leur degré actuel d’endettement, de la nature du financement de leur dette, de leur accès aux lignes de crédit et de l’historique de leur endettement. Dans les années 2000, le score moyen du taux d’emprunt hypothécaire de Freddie Mac oscillait entre 710 et 720. Il atteint actuellement le chiffre de 750.

À l’heure actuelle, deux types d’obligations sont adossés aux prêts hypothécaires accordés par les banques du secteur public.

Les premières sont les traditionnelles obligations hypothécaires des agences (désignées par leur acronyme anglais MBS - Mortgage Backed Securities). Des titres dont le principal et le coupon sont garantis et qui se négocient avec une petite décote par rapport aux obligations du Trésor. Les secondes sont les instruments dits de transfert du risque de crédit (credit risk transfer - CRT). Ces obligations ne sont pas garanties et se négocient donc avec une prime de risque plus élevée en compensation du risque de défaut. Leur rendement oscille entre 3,5 et 7 % en fonction de leur degré de priorité dans le remboursement des prêts hypothécaires.

Selon l’ordre de préférence ou la subordination des flux de trésorerie entrants, il peut s’avérer pertinent de comparer les obligations CRT et les obligations d’entreprises bien notées (investment-grade) ou à haut rendement (dont la notation est comprise entre BB et CCC). Leurs taux d’intérêt actuels s’élèvent à respectivement 2,7 et 5,4 % en moyenne. Mais le risque de taux d’intérêt associé aux obligations émises par les entreprises est considérable. Pour leur part, les titres CRT sont émis sous la forme d’obligations à taux variable indexées sur le taux Libor, en fonction duquel le paiement du coupon sera ajusté en cas de hausse des taux d’intérêt.

Dans ce contexte, nous plaidons en faveur de cette catégorie d’actifs. Dotée d’une faible sensibilité aux taux d’intérêt bas et d’un rendement courant élevé, elle est actuellement peu courue par les investisseurs. Cette combinaison de qualité est peu répandue sur les marchés obligataires. En outre, la conjoncture est encourageante : les États-Unis ne devraient pas connaître de récession, les normes hypothécaires restent strictes et l’on peut raisonnablement penser que la structure des engagements existants ne posera pas problème.

Flavio Carpenzano , Janvier 2018

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