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Les nouveaux plans japonais ne résoudront pas les problèmes sous-jacents

Selon Lukas Daalder les derniers plans de la Banque du Japon visant à relancer l’économie en contrôlant les taux d’intérêt et en relevant l’objectif d’inflation ne seront pas une solution aux problèmes structurels sous-jacents.

Points clés

  • Le contrôle de la courbe des taux vise à compenser l’impact de taux négatifs sur les banques
  • La Banque du Japon vise également un objectif d’inflation de plus de 2 %
  • La problématique centrale est une faiblesse structurelle de l’économie, bien qu’un plus faible yen puisse être positif

Après de longues années d’assouplissement quantitatif et l’introduction de taux d’épargne négatifs n’ayant pas permis de générer de la croissance, de nouvelles mesures ont été annoncées fin septembre par la Banque Centrale du Japon. Afin de compenser l’impact de taux négatifs sur les banques, celle-ci a fixé un objectif de taux zéro pour les obligations d’État à 10 ans, accompagné d’un plan visant à faire passer son objectif d’inflation à plus de 2 %.

D’après Lukas Daalder, Directeur de l’investissement de Robeco Investment Solutions, le contrôle de la courbe des taux semble être une bonne idée.

Malheureusement, cela ne sera pas une solution aux problèmes sous-jacents qui plombent l’économie japonaise depuis de longues années.

La question fondamentale est de savoir ce qu’apporte réellement ce dernier développement. Selon Lukas Daalder, ce n’est pas la volonté d’atteindre un taux d’inflation supérieur à 2 % qui changera la donne en matière d’inflation future. Le contrôle de la courbe des taux – bien qu’il s’agisse d’une toute autre chose d’un point de vue technique – ne se traduira pas non plus directement par une poussée inflationniste. Étant donné les faibles niveaux actuels, son équipe ne pense pas que des niveaux de taux inférieurs puissent encore relancer l’économie.

D’après lui, il y a au moins cinq raisons qui font que des rendements obligataires et des taux d’intérêt plus faibles puissent ne pas fonctionner, voire même avoir l’effet contraire :

  • La fonction de signal. En théorie, des taux et rendements inférieurs contribuent à faire baisser les coûts de financement des entreprises, les incitant ainsi à accroître leurs investissements. Toutefois, au cours des dernières années, les taux d’intérêt ont au contraire agit comme un signal faisant état d’une économie en perte de vitesse.
  • L’impact sur les niveaux d’épargne. Dans une société vieillissante, dont une large partie de sa population espère prendre sa retraite à court terme, il est plus probable que des rendements obligataires plus faibles se traduisent par une augmentation que par une diminution de l’épargne. Une augmentation de l’épargne entraîne à son tour une baisse de la consommation et une diminution de la croissance du PIB.
  • Une préférence pour l’argent liquide. Les rendements et taux négatifs poussent les gens vers l’argent liquide, ce qui signifie que la banque centrale perd son contrôle sur la masse monétaire.
  • La distorsion de processus économiques. Le contrôle de la courbe des taux entraîne l’arrêt du mécanisme de fixation des prix, ce qui peut à son tour créer toutes sortes de distorsions Ceci peut pousser les investisseurs (en quête de rendement) à prendre des risques trop importants, tout en stimulant l’accumulation de dettes.
  • Un impact négatif sur le système bancaire. L’adoption de taux négatifs a soulevé beaucoup de questions quant à la rentabilité des banques. Et la majeure partie de l’élargissement de la courbe des taux se reporte désormais sur la partie longue de la courbe, ce qui pourrait faire augmenter la volatilité.

L’inflation est absolument nécessaire au Japon

Selon Lukas Daalder, les investisseurs ne devraient pas trop compter sur la réalisation d’un objectif d’inflation de plus de 2 %. Il explique que si l’on examine le graphique ci-dessous, on observe effectivement que l’inflation a temporairement pu passer la barre des 2 % en 2014, mais que cela n’a été que la résultante d’une hausse de la taxe à la consommation appliquée à ce moment-là. L’inflation sous-jacente n’a quant à elle jamais réussi à atteindre cet objectif.

En fait, malgré les programmes d’assouplissement quantitatif très agressifs qui ont été lancés depuis, l’inflation globale et de base sont de nouveau passées en territoire négatif au cours des derniers mois. L’objectif n’ayant pas réussi à être atteint de manière structurelle depuis plus de trois ans, voire même depuis plus de 20 ans, il est bien curieux de vouloir relever cet objectif.

La raison d’un tel changement semble assez théorique. Après avoir analysé pourquoi l’inflation n’avait pas réussi à remonter en dépit de l’énorme relance monétaire, les chercheurs de la BoJ en ont conclu que cela était dû principalement à des prévisions d’inflation trop faibles et stables. En faisant passer de manière explicite l’objectif au-dessus de la barre des 2 %, la BoJ semble espérer un changement dans la structure sous-jacente.

On peut sérieusement se demander si les entreprises et les ménages, qui sont confrontés à une inflation faible voire inexistante depuis plus de 20 ans, seront vraiment impressionnés par un tel changement de cap. Un relèvement des prévisions d’inflation provient d’une hausse de l’inflation et non pas de la décision d’une banque centrale de relever cet objectif.

La persistance de problèmes structurels

Selon Lukas Daalder, le plus gros problème auquel le Japon est confronté est celui des contraintes structurelles qui ont conduit le pays à la « décennie perdue » dans les années 1990. Le Japon, dont l’économie était axée sur les exportations, s’est vu dépassé par la Chine ; et l’immigration – généralement considérée comme un moteur essentiel à la croissance du PIB dans une société vieillissante – est extrêmement faible. Une baisse des dépenses par une population en déclin a conduit à la déflation et à une récession dont le Japon ne s’est jamais vraiment remis.

Le gouvernement japonais tente depuis plus de 20 ans de remettre son économie au niveau qu’elle avait à son apogée, sans grand succès. La mise en place d’un contrôle de la courbe des taux ne sera pas un remède miracle qui rendra les dépenses publiques d’un seul coup plus efficaces.

Il ne reste donc plus qu’une seule variable sérieuse sur laquelle parier et sur laquelle toute la stratégie de l’Abenomics continue de reposer, à savoir un yen plus faible. Il reste à voir si ce dernier développement en matière de politique monétaire réussira à inverser la tendance à l’affermissement continu du yen.

Lukas Daalder , Octobre 2016

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