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Les fantasmes de la relance allemande

La très probable entrée en récession technique de l’Allemagne lors du troisième trimestre 2019 fait couler beaucoup d’encre et de plus en plus de voix se lèvent pour que le pays fasse (enfin) des relances budgétaires. Cependant la réalité est tout autre et allier la réalité à la pratique n’est pas aussi simple que cela.

Pourquoi la relance allemande est un fantasme ? Quelles sont les solutions pour relancer l’économie ?

La très probable entrée en récession technique de l’Allemagne lors du troisième trimestre 2019 fait couler beaucoup d’encre et de plus en plus de voix se lèvent pour que le pays fasse (enfin) des relances budgétaires. Cependant la réalité est tout autre et allier la réalité à la pratique n’est pas aussi simple que cela.

Retour sur les faits

La banque nationale allemande a prévu en début de semaine que l’économie du pays pourrait entrer en récession au troisième trimestre prochain.

Le rapport mensuel de la Bundesbank indique en effet que « L’économie (allemande) pourrait à nouveau se contracter cet été après un recul de 0,1% du PIB allemand au deuxième trimestre ».

Se pose alors la question de savoir si le gouvernement allemand pourrait (voudrait) recourir à la dette pour relancer son économie après cinq années consécutives de comptes budgétaires excédentaires et des taux d’intérêts pour les emprunts à long terme historiquement bas.

Cependant de nombreux obstacles de taille se dressent et il est très peu probable que le gouvernement allemand ne fasse quoi que ce soit.

Vers un plan « keynésien » ?

Selon la définition, un plan de relance keynésien consiste à injecter de l’argent dans l’économie pour lui permettre de redémarrer, notamment dans les situations de crise et de récession. Le plan de relance par la dépense publique ou plan de relance keynésienne - est la théorie selon laquelle une économie peut redémarrer si l’État prend des mesures de travaux publics.

Ces commandes baissent le solde de l’État dans un premier temps, mais elles entraînent une augmentation des besoins (main d’œuvre, matériaux), relaçant les investissements des fournisseurs (outils de production, embauches...), diminuant le chômage, augmentant le pouvoir d’achat et, in fine, engendrant un effet multiplicateur dans tous les secteurs d’activité.

Relancer l’économie par la dépense publique a permis de sortir avec succès de la crise de 1929 et elle a également permis de relancer la croissance économique après la Seconde Guerre mondiale. Le plan de relance selon Keynes a échoué pour sortir de la crise du choc pétrolier dans les années 70 et d’autres politiques économiques ont alors vu le jour.

Pourquoi c’est un fantasme ?

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la relance par la dette est très peu probable en Allemagne. Passage en revue.

  • Un effort a déjà été fait

Lors de sa présentation de juin dernier, le gouvernement allemand a déjà prévu d’accroître les dépenses publiques de 1% l’an prochain et de n’émettre aucune dette nouvelle jusqu’en 2023 en dépit du ralentissement de l’économie.

En détail, le budget du gouvernement fédéral augmentera à 359,9 milliards d’euros en 2020 et les dépenses consacrées à la défense s’élèveront à 44,9 milliards d’euros, ce qui représente 1,37% du PIB, soit beaucoup moins que l’objectif de 2% réclamé par les statuts de l’OTAN. Le Parlement procèdera à un vote sur le projet de budget d’ici la fin de l’année.

Une modification du budget est très peu probable à ce stade.

  • La culture ne plaide pas pour

En ne remontant qu’à un siècle d’histoire allemande, on constate que le peuple allemand a toujours été très attaché à ne pas être (trop) endetté. Que cela soit au niveau individuel (le haut taux d’épargne étant l’un des exemples les plus criant) ou au niveau de l’État.

Dans ce dernier cas, nous aimons à rappeler qu’au-delà des coûts (absorbés) de la réunification allemande, la République fédérale a officiellement soldé ses obligations financières issues indirectement du Traité de Versailles à la fin 2010. Les détenteurs des dernières obligations en lien avec les réparations exigées par les alliés avaient alors touché 100 millions d’euros de capital et 1,5 million d’euros d’intérêts.

Un retour à l’endettement massif est donc culturellement improbable.

  • Aucune cohésion politique

La « grande coalition » allemande formée depuis plus d’un an par les chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et les sociaux-démocrates du SPD, n’a rien d’un grand fleuve tranquille. Née dans la douleur, en avril 2018, avec un SPD divisé sur son bien-fondé, elle semble à bout de souffle.

La dirigeante du SPD Andrea Nahles a surpris tout le monde, en juin dernier, en annonçant qu’elle démissionnait de la présidence du parti ainsi que de la direction du groupe parlementaire et qu’elle abandonnait son mandat de députée.

Raison pour laquelle elle avait jeté l’éponge : le score désastreux de sa formation aux élections européennes du 26 mai. Le SPD y avait réalisé son plus mauvais résultat depuis 1949, rétrogradant à la troisième place sur le plan national, derrière les écologistes.

Si Angela Merkel a assuré que son gouvernement allait continuer son travail, on comprend bien que jusqu’aux prochaines élections générales en 2021 et locales en septembre 2019, c’est un véritable chemin de croix auquel il faut s’attendre avec aucune véritable décision stratégique.

Rappelons ici que les sociaux-démocrates seraient plutôt pour alors que les conservateurs plutôt contre.

Pourquoi ne faut-il pas faire référence à 2008 ?

Face à l’une des plus importantes crises financières de l’histoire, après que le gouvernement allemand ait déjà approuvé un plan de relance de 31 milliards d’euros fin 2008, les partis de la coalition gouvernementale allemande s’étaient aussi entendus, en janvier 2009, sur un plan de relance d’un montant de 50 milliards d’euros, sur deux ans.

Cependant, aujourd’hui, les éléments sont différents et/ou ont évolué.

En effet, les solutions pour relancer le moteur de la croissance seront plus difficiles à trouver qu’en 2008 car le ralentissement du pays est aussi profondément lié aux défis structurels.

Défis structurels qui impliquent :

  • Une décélération de la demande chinoise (% en glissement annuel au moins de juillet)
  • Une récession industrielle déjà présente et mal adaptée
  • Une main d’œuvre de moins en moins qualifiée
  • Manque de soutien pour les mères de famille désirant travailler
  • Une poursuite du vieillissement de la population

Un plan de relance par la consommation ?

Si un endettement pour rénover les infrastructures et relancer l’écologie (au sens général du terme) semble théoriquement être le plan idéal (mais pas du goût des allemands comme on l’a vu précédemment), certains économistes semblent aussi songer à un plan de relance par la consommation.

Plan fondé sur une réduction temporaire de la TVA et d’autres exonérations fiscales pour augmenter le pouvoir d’achat et la consommation.

Les limites à ce plan se résume en 1 mot : la confiance. Sans confiance il n’y a pas de consommation, quelles que soit les relances qui peuvent être entreprises par le gouvernement.

Synthèse

Autre fois locomotive de l’Europe, l’Allemagne continue de rétrograder et pourrait être le premier pays de la zone à rentrer en récession en septembre prochain.

Si un plan de relance keynésien pourrait faire du sens sur le court terme, une stratégie à long terme (basée sur des investissements verts, la numérisation ou encore la réforme du marché du travail) s’avère absolument nécessaire aujourd’hui.

John Plassard , Août 2019

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