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Le secteur des télécoms va-t-il remonter en bourse ?

Alors que le secteur atteignait il y a deux ans un plus haut absolu et relatif à 10 ans, à l’inverse, aujourd’hui, il atteint un plus bas relatif à 10 ans contre le marché. En deux ans, « from peak to trough », le secteur a perdu 10% de sa valeur en absolu et a sous-performé le marché de 30%.

Quelles ont été les grandes phases de cette baisse ?

Les experts d’Exane Asset Management identifient quatre grandes étapes à la baisse et à la sous-performance du secteur.

  • Septembre 2015-juin 2016 : la Commission Européenne rejette la consolidation mobile au Danemark et au Royaume-Uni et l’approuve en Italie, mais au prix de l’entrée d’Iliad sur le marché. Au même moment, Altice déplace son terrain de chasse de l’Europe vers les Etats-Unis pour sa croissance externe. Les thèmes du M&A et du « market repair » disparaissent des valorisations.
  • Juin 2016-octobre 2016 : les opérateurs annoncent des plans fibres plus vastes et revoient à la hausse les capex*. Les prévisions de FCF du secteur sont révisées en baisse.
  • Novembre 2016 - avril 2017 : le Trump trade se met en place dans le sillage de l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche. Les télécoms sont vendues pour financer l’achat de valeurs industrielles et infrastructures.
  • Mai 2017 - novembre 2017 : les taux commencent leur remontée et les télécoms sont arbitrés au profit des valeurs bancaires.

Les deux premières étapes sont spécifiques au secteur et marquées par une baisse absolue et relative d’environ 5% à chaque étape.

Les deux dernières relèvent plus de phénomènes d’allocation sectorielle et de flux, les télécoms, ennuyeux et sans surprise, servant de « funding short » pour l’achat de secteurs à meilleur potentiel de hausse, comme les secteurs industriels, pétroliers et bancaires.

Les télécoms ne baissent pas en absolu, ils sont plutôt stables, mais ils sous-performent néanmoins massivement le marché qui connaît un très fort rallye (-20% de sous-performance cumulée depuis novembre 2016).

Mais alors, qu’est-il advenu des drivers de croissance qui faisaient tant rêver les investisseurs il y a seulement deux ans ?

Force est de constater que les grands thèmes de l’époque ont plutôt déçu les investisseurs :

  • les données mobiles connaissent certes une très forte croissance des volumes consommés (+50% par an en moyenne), mais leur monétisation déçoit, la déflation approchant les 60% par an et les offres illimitées ou quasi-illimitées se multipliant
  • la fibre, qui était sensée renforcer les barrières à l’entrée du secteur et améliorer le « pricing power » des opérateurs, s’est plutôt traduite jusqu’à maintenant par une révision à la hausse permanente des budgets de capex, une politisation dangereuse des débats et un risque de déploiement d’infrastructures parallèles par de nouveaux acteurs financés par des subventions publiques ou des fonds d’infrastructures
  • enfin la consolidation dans le mobile a été rayée des agendas européens du fait de la position très dure de Madame Vestager, tandis que Vodafone et Liberty Global ne parviennent toujours pas à s’entendre sur leurs valorisation respectives pour aboutir à une fusion de convergence, à l’échelle nationale à défaut de continentale

L’heure semble donc au pessimisme, et pourtant…

  • Les résultats publiés par les sociétés sont meilleurs qu’attendus depuis quatre trimestres. Certes, les surprises positives sont de faible ampleur (1-2% au niveau de l’EBITDA et 3% au niveau de l’EPS au 2Q17), mais au total, les attentes sont stables depuis le début de l’année et il n’y a pas de révision négative qui pourrait alimenter une vision de « value trap » sur le secteur
  • Dans les données mobiles, les pays qui ont opté pour une tarification illimitée ou quasi-illimitée, comme la Finlande, la Suède ou la France, connaissent aujourd’hui une croissance explosive de la consommation en données mobiles, une satisfaction client accrue et un meilleur pricing power. En outre, en illimité, le terrain de bataille se déplace de la quantité à la qualité, où les opérateurs historiques ont un avantage concurrentiel fort grâce à un réseau plus dense, de fortes positions en fréquences et des synergies importantes entre leurs réseaux fixe et mobile
  • Dans la fibre, l’intensité capitalistique du modèle favorise le déploiement du réseau et le regain de parts de marché par l’opérateur historique et elle force les petits concurrents à plus de discipline sur les prix
  • Enfin, pendant cette période de transition et faute de pouvoir surprendre positivement sur la croissance de leur revenu, les opérateurs ont bien compris qu’il leur fallait réduire plus drastiquement les coûts, grâce notamment à la digitalisation de la relation aux clients et à la modernisation des réseaux qui devraient devenir un sujet majeur dans les prochains mois

Qu’en est-il des valorisations ?

Aujourd’hui, le secteur des télécoms en Europe se traite sur un multiple de 6.5x l’EBITDA 17 ou 6.1x l’EBITDA des 12 prochains mois, reflétant une croissance minimale du revenu, une progression très faible des marges et le maintien des capex au niveau élevé actuel.

L’hypothèse sur les capex ne pourra pas être contestée à court terme car les plans fibres sont des projets d’investissement à 10 ans.

En revanche, nous pensons que les réductions de coûts liées à la digitalisation suivies d’une amélioration de la tendance sur le revenu grâce à la fin des pressions réglementaires et au pricing power dans les données mobiles illimitées et la fibre pourraient permettre un rerating du secteur en 2018.

L’exemple du rerating du titre Elisa en est un parfait exemple, l’amélioration de la croissance organique du revenu de l’opérateur de 1% à 3% s’étant accompagnée d’un rerating de 6.5 à 11.1x l’EBITDA.

Quels sont les catalyseurs à un rerating ?

Exane Asset Management identifie quatre phases pour un rerating du secteur :

  • Dès la publication des résultats du 4ème trimestre 2017 et des guidances 2018 en février-mars 2018, se rassurer sur la croissance top line avec une première amélioration des tendances grâce à la fin des impacts réglementaires sur l’itinérance à l’international et prendre conscience du réservoir de réduction de coûts lié à la digitalisation grâce à des plans ciblés de la part des sociétés
  • Se rassurer sur la fin du cycle de révision à la hausse des capex avec l’investor day d’Orange en décembre 2017, Deutsche Telekom et BT en mai 2018
  • Se rassurer sur les bénéfices des plans fibres et tenter de réconcilier les aberrations de valorisation entre télécoms, câbles et infrastructures
  • Espérer un peu de M&A (Vodafone et Liberty en Allemagne ?)

Next Finance , Novembre 2017

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