La révision de MiFID : un accord de principe face aux enjeux de sa mise en œuvre opérationnelle

Selon Guillaume Andreu, Engagement Manager chez Sterwen, le compromis politique conclu le 14 janvier marque certes une étape importante dans le long processus législatif de la révision de MiFID car il permet de clarifier la directive cadre. Cependant, de nombreuses questions demeurent et devront être précisées...

- Accord politique sur les principes généraux

Le 14 janvier dernier, tard dans la nuit, un accord politique concernant les principes généraux permettant de fixer le cadre la nouvelle directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MiFID 2) a été trouvé.

La phase du dialogue tripartite entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens s’achève. Il s’agit d’un important jalon intermédiaire, qui marque le terme de négociations amorcées il y a près de deux ans, lorsque la Commission européenne avait présenté sa proposition de directive.

Cependant, la fin du processus législatif est encore loin. En effet, s’ouvre maintenant le chantier de la définition des mesures dites de niveau 2, placé sous la responsabilité de l’Esma (European Securities and Markets Authorithy). Ces mesures revêtent une grande importance dans la mesure où, dans de nombreux domaines, le contenu même et l’efficacité de la directive en dépendent. La phase à venir s’annonce donc déterminante ; les différents groupes de pression manœuvrent d’ailleurs déjà pour faire prévaloir leurs intérêts.

- Un bilan mitigé

Cet accord politique conclu au forceps, sous la contrainte de plus en plus pressante du calendrier législatif (les prochaines élections auront lieu en effet en mai prochain), laisse un goût d’inachevé. S’il comporte des avancés notables dans certains domaines tels que le Trading de Haute Fréquence (THF) par exemple, il est sur d’autres sujets en retrait par rapport aux ambitions affichées initialement ; voire franchement décevant.

- Les principaux points de l’accord

  • Accès aux infrastructures de marchés

Le compromis trouvé sur l’interopérabilité entre Chambres Centrales de Compensation (Central Counterparties ou CCP) et Plateformes de Négociation (PFN), sujet qui faisait encore débat dans les dernières semaines de négociation, fait partie des motifs de satisfaction. Il va permettre un accès non-discriminatoire aux CCP, aux PFN et aux indices de références propriétaires, remettant en cause le modèle « en silo » et renforçant ainsi la compétition entre CCP et PFN, au bénéfice de l’investisseur final.

Il est toutefois dommage que l’instauration d’une période transitoire laisse la possibilité aux acteurs de différer de cinq ans la mise en œuvre d’une complète interopérabilité entre CCP et PFN, sous réserve d’un accord du régulateur national il est vrai.

  • Trading de Haute Fréquence (THF)

La nouvelle obligation de mettre en place des systèmes « ?coupe-circuit ? », afin d’empêcher l’emballement des transactions, qui s’imposera désormais à chaque société utilisant le THF, constitue une avancée notable dans la prévention du risque systémique.

Le contrôle et la validation des algorithmes par le régulateur en revanche laissent plus circonspect quant à sa mise en œuvre : la divulgation du code source de l’algorithme s’achoppe sur la sensibilité de ce type d’information. Les textes de niveau 2 proposés par l’Esma devraient permettre de préciser la mise en œuvre opérationnelle de cette mesure.

  • Transparence pré-négociation

Les dernières semaines de négociation ont apporté peu de modifications d’ampleur. Le compromis introduit néanmoins une limite aux volumes qui pourront être traités sur les dark pools pour une valeur donnée : 4% de la capitalisation boursière sur une plateforme de négociation donnée et 8% sur l’ensemble des plateformes de négociation européenne. Inutile de souligner que les standards techniques concernant cette limite, que l’Esma a la charge de détailler, sont très attendus par les entreprises d’investissement actives les dark pools. En effet, ces derniers concentrent aujourd’hui, selon une estimation de TABB Group, autour de 11% du trading sur equity. Sachant, en outre, que les actions ne seront pas admises à la négociation dans les Organized Trading Facilities (OTF), les nouvelles structures de marché créées dans le cadre de MiFID 2, la définition des mesures de niveau 2 (le mode de mesure et de calcul des limites de volumes en particulier) feront l’objet d’âpres tractations.

Par ailleurs, la nouvelle mouture de la directive doit également restreindre l’utilisation des dérogations aux obligations de transparence pré-négociation relatives aux ordres sur la base d’un prix « importé » à partir d’un marché de référence.

  • Matières premières

Les matières premières font partie des champs d’application qui n’étaient pas couverts par MiFID 1. Les limites de positions imposées sur les commodities et les dérivés de commodities devraient contribuer à lutter contre la spéculation, notamment sur les produits agricoles.

Néanmoins, les concessions faites dans les dernières semaines de négociations viennent en atténuer la portée. C’est le cas notamment des régimes dérogatoires dont bénéficient les dérivés sur pétrole et charbon, qui ne seront totalement soumis à la nouvelle directive qu’en 2019.

  • Protection des investisseurs

Plusieurs mesures vont contribuer à un renforcement de la protection des investisseurs.

En premier lieu, l’encadrement strict des commissions perçues à l’occasion de prestation de conseil indépendant (« inducements ») marque une volonté forte de garantir l’indépendance des conseils en clarifiant la structure des honoraires et rémunération des conseillers.

Par ailleurs, l’extension du périmètre des produits ne pouvant être vendus sans appropriateness tests, tests permettant de s’assurer de l’adéquation du produit avec le profil du client, ainsi que le renforcement des obligations en termes d’information client vont également contribuer à mieux protéger les investisseurs.

  • Consolidation des données post-marché

La consolidation des données post-marché est sans doute le domaine où la directive cadre est la moins aboutie. MiFID 2 se borne à proposer le principe d’une « consolidated tape » permettant d’agréger les données post-marché issus des différentes plateformes de négociation (en dehors des bourses traditionnelles et des Multilatéral Trading Facilites (MTF), on compte à ce jour une vingtaine de dark pools) et s’en remet au marché pour les modalités pratiques, laissant l’initiative aux acteurs. Cela est d’autant plus regrettable que les effets néfastes de la fragmentation de la liquidité comptaient parmi les griefs les plus souvent adressés à MIFID 1.

  • Accès aux marchés pour les prestataires de services des pays tiers

La directive introduit la reconnaissance du statut de pays tiers, qui se traduit pour le prestataire de services du pays tiers par un accès aux marchés de l’UE.

Cette reconnaissance est néanmoins à nuancer selon le type de clientèle auquel s’adresse le prestataire de services. S’il s’agit de services à destination de clients particuliers ou de clients particuliers ayant opté pour être traités comme professionnels, alors chacun des états membres conservera la latitude pour apprécier la façon dont le régime doit s’appliquer, en particulier eu égard à la nécessité d’une implantation locale. En revanche, les services à destination des clients professionnels ou des contreparties éligibles pourront être fournis sans avoir besoin de justifier d’une implantation locale, sous réserve que le cadre réglementaire du pays d’origine soit jugé équivalent et que le prestataire soit enregistré auprès de l’Esma.

Le compromis politique conclu le 14 janvier marque certes une étape importante dans le long processus législatif de la révision de MiFID car il permet de clarifier la directive cadre. Cependant, de nombreuses questions demeurent et devront être précisées par les mesures dites de niveau 2 que définira l’Esma dans les semaines qui viennent.

Guillaume ANDREU , Février 2014

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