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La grande rotation revisitée

Un des thèmes actuellement populaires dans le monde financier (comme en témoigne un récent gros titre de Barron’s) est celui de la « grande rotation » des obligations américaines surévaluées vers les actions américaines comparativement bon marché. Néanmoins, nous ne souscrivons pas à cette simple théorie de rotation de grande ampleur. Pourquoi ?

Avant toute chose, le terme même de« grande rotation » n’est pas adapté. En effet, à chaque instant, le marché est compose d’une quantité définie de liquidités, d’obligations et d’actions, dont les prix relatifs s’ajustent en fonction de l’équilibre s’établissant entre l’offre et la demande.

Un individu peut certes effectuer « une rotation », mais pas le marché dans son ensemble, puisque la totalité du stock d’actifs en circulation doit être détenu par quelqu’un.

Le fait que les investisseurs possèdent actuellement beaucoup d’obligations (par rapport aux actions) est ainsi très largement lié à l’ampleur de l’offre. En effet, la forte progression de l’endettement au cours de la dernière décennie a entrainé une augmentation simultanée de la taille du marché obligataire. Parallèlement, la capitalisation du marché des actions s’est réduite, les entreprises américaines utilisant les fonds levés par émission de dette pour racheter leurs propres actions, profitant de l’écart entre les (bas) taux de financement et le coût (plus élevé) du capital (voir graphique).

Se pourrait-il dès lors, compte-tenu de la pénurie d’offre relative, qu’une demande accrue d’actions pousse leurs cours à la hausse et inversement pour les obligations ? Les interventions des banques centrales tout autour du globe visent de fait à provoquer de tels rééquilibrages de portefeuille.

En pesant sur la rentabilité attendue des actifs à faible risque, les banquiers centraux tentent de pousser les investisseurs vers des actifs plus risqués (en d’autres termes, à acheter des actions), dans l’espoir qu’un effet de richesse opère et relance ainsi l’économie.

Cependant, en accumulant d’énormes quantité d’obligations, ils deviennent également l’acheteur marginal sur ce marché et cela indépendamment des niveaux de prix, puisque leur but n’est pas de dégager un rendement sur investissement, mais de soutenir le système financier de leur pays. Dans un contexte de faible croissance économique, cela imposera vraisemblablement un plancher aux cours des obligations gouvernementales - et un plafond aux rendements. Par conséquent, une remontée des taux sur les emprunts du Trésor américain à 10 ans aux alentours de 2,25% constituerait un point d’entrée intéressant.

S’agissant des flux enregistrés par les fonds de placement actions, la reprise observée durant les premières semaines de 2013 est habituelle après une période de bonne performance (voir graphique), les flux présentant un aspect« réactif ». Néanmoins, ces flux ne se sont pas produits au détriment des fonds obligataires : tandis que les fonds en actions enregistraient - après dix mois consécutifs de sorties - des afflux à hauteur d’USD 38 milliards en janvier, les fonds obligataires continuaient d’enregistrer des entrées d’argent à hauteur d’USD 33 milliards, s’ajoutant à une moyenne mensuelle d’USD 26 milliards sur les 12 derniers mois.

Enfin, I’ observation d’importantes émissions de dette servant à financer des rachats d’actions appelle à la prudence, les deux derniers tels épisodes (2000 et 2007) ayant coïncidé avec des extrêmes du marché (voir graphique). Ceci vient s’ajouter à d’autres signaux d’alarme, surtout concernant les actions américaines, tels que la complaisance des investisseurs, le niveau élevé des valorisations et une diminution de l’efficacité de l’assouplissement quantitatif (ou pire : l‘évocation par certains membres de la Réserve fédérale d’une sortie de l’assouplissement quantitatif).

L’un des thèmes de 2013 pourrait bien être la rotation hors des actions vers les obligations !

Au final, loin d’envisager une envolée forte et durable des actions sur fond de« grande rotation », notre scénario le plus optimiste consisterait en une perte de vitesse de cette envolée, et le plus pessimiste en un fort repli du marché des actions. Le mot d’ordre : protéger les portefeuilles et se préparer à réduire les actions au profit des obligations gouvernementales lorsque les rendements se normaliseront. L’un des thèmes de 2013 pourrait bien être la rotation hors des actions vers les obligations !

Karen Guinand , Stéphanie de Torquat , Mars 2013

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