L’inflation va-t-elle affecter les marchés ?

Voir une de ses prédictions devenir obsolète en quelques jours est pour le moins vexant. La semaine dernière, notre conviction selon laquelle la politique monétaire resterait accommodante en 2011 a commencé à être ébranlée...

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Voir une de ses prédictions devenir obsolète en quelques jours est pour le moins vexant. La semaine dernière, notre conviction selon laquelle la politique monétaire resterait accommodante en 2011 a commencé à être ébranlée, certains signes indiquant que l’inflation pourrait occuper le devant de la scène cette année...

Jusqu’à présent, à l’exception de la Chine pour le monde émergent et du Royaume-Uni pour le monde développé, l’inflation n’était pas vraiment une source d’inquiétude. Notre mesure d’alerte déflationniste (que l’on pourrait rebaptiser mesure d’alerte inflationniste) s’est violemment retournée à la hausse, se rapprochant de la zone de pression sur les taux d’intérêt.

Cela a été dû à la variation de chacune des trois composantes du modèle : l’amplitude des prix des matières premières a atteint un paroxysme ; les corrélations actions/obligations se normalisent rapidement et les anticipations d’inflation ont atteint la borne haute de la bande de fluctuation à long terme, sans pour autant la dépasser.

Ces indicateurs reflètent le sentiment de marché et non pas l’économie réelle. Les statistiques montrent que les principaux pays de l’OCDE ont d’importantes capacités disponibles du fait d’écarts de production significatifs, qui suggèrent qu’il faudra plusieurs années avant que des tensions en termes de capacité conduisent à une accélération de l’inflation. De plus, rien ne laisse présager un retour du pouvoir de fixation des prix chez les syndicats étant donné les faibles pressions sur les salaires et l’absence de signes d’érosion sur les marges et la rentabilité des entreprises. La règle de Taylor permettant de mesurer la politique monétaire (en estimant le taux d’intérêt d’équilibre à partir des mesures d’écart de production et d’inflation) suggère que ce taux devrait être négatif aux États-Unis, entre -4 et -5 %.

Cependant, au niveau mondial, il semble qu’il y ait très peu voire aucune capacité disponible. Selon BNP Paribas, l’écart de production mondiale s’est refermé, créant un risque de hausse de l’inflation d’ici 1 à 2 ans. L’analyse intègre le monde émergent et montre que l’écart de production était négatif en 2008, juste avant la récession mondiale. Apparemment, la récession de 2008/2009 n’a donné lieu qu’à un écart de production limité, qui s’est refermé au gré de la reprise en 2009/2010.

Il y a d’autres raisons de s’inquiéter des tensions sur la capacité. Un des inconvénients de l’analyse traditionnelle des écarts de production tient au fait qu’elle s’appuie sur les données de comptabilité nationale qui sont décalées dans le temps et peu consistantes. De plus, le dernier retournement a donné lieu à une liquidation de biens d’équipement (notamment les ordinateurs obsolètes), ce qui suggérerait que la capacité disponible effective est inférieure au niveau des statistiques officielles. Il y a également une triste dimension humaine derrière tout cela, puisque les chômeurs de longue durée ont tendance à être plus difficilement employables compte tenu de la dégradation de leurs compétences induite par leur inactivité. Cela pourrait également avoir pour effet de réduire la capacité disponible effective.

On peut également recourir aux indicateurs avancés pour mesurer les pressions inflationnistes. Jonathon Griggs, CIO de l’équipe Devises de J.P. Morgan AM, a élaboré des indicateurs relatifs à la politique monétaire, lesquels évaluent à quel point les banques centrales ont besoin de relever leurs taux d’intérêt. Ses mesures montrent que le Royaume-Uni vient de franchir la limite signalant une hausse des taux, tandis que les autres économies du G4 (États-Unis, zone euro et Japon) s’en rapprochent. Les États-Unis sont en queue de peloton, ce qui pourrait expliquer le maintien d’une politique monétaire accommodante de la part de la Fed.

Le risque de politique monétaire pourrait ainsi mettre les marchés sous pression cette année - sans doute plus tôt que le marché ne l’anticipe. Credit Suisse estime que les marchés à terme intègrent un resserrement monétaire de seulement 28 pb aux États-Unis et dans la zone euro, et de 64 pb au Royaume-Uni. Ce calme relatif sur la partie courte de la courbe des taux pourrait faire long feu si les investisseurs estimaient que les banques centrales sont « en retard sur la courbe » dans leur lutte contre les pressions inflationnistes.

De plus en plus d’investisseurs s’inquiètent de l’inflation dans les marchés émergents, plusieurs marchés présentant des taux réels négatifs (à l’exception du Brésil). L’expansion mondiale réduisant la capacité disponible en 2011, les conditions monétaires accommodantes risquent de nourrir une hausse des prix des marchandises plutôt qu’une hausse des prix des actifs financiers. Le génie de l’inflation est peut-être sur le point de sortir de sa bouteille.

David Shairp , Janvier 2011

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P.-S.

Le graphique présente notre indicateur déflationniste/inflationniste, constitué de trois variables : les anticipations inflationnistes implicites déduites des taux point mort d’inflation à 5 ans anticipés dans 5 ans aux États-Unis, la corrélation des performances des actions et des obligations internationales, et une mesure de l’amplitude des prix des matières premières. Le pendule est revenu en territoire inflationniste, ce qui, en cas de persistance, pourrait déstabiliser les marchés actions et obligataires

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