L’assurance-vie encalminée

L’assurance-vie a connu un premier semestre compliqué en raison de l’annonce de la baisse des taux de rendement et des interrogations sur son futur régime fiscal.

Sur les 6 premiers mois de l’année, la collecte nette n’a été que de 2 milliards d’euros variant entre 0 et 600 millions. En 2016, elle avait atteint, sur la même période, 12 milliards d’euros, Pour le seul mois de juin, elle a été de 600 millions d’euros contre 1,1 milliard d’euros pour le mois de juin 2016. En dix ans, il n’y a eu que deux mois de juin en décollecte, ceux de 2012 et de 2013. Pourtant, la fin du premier semestre avec le versement de primes est, en règle générale, un bon mois pour l’assurance-vie d’autant plus que les ménages réalisent souvent quelques arbitrages financiers avant de partir en vacances.

Sur la même période, la collecte nette du Livret A a atteint 9,42 milliards d’euros (11,28 avec le LDDs).

Au mois de juin, la collecte brute s’est élevée à 11,5 milliards d’euros. Sur les six premiers mois, elle a été de 67 milliards d’euros. Les unités de compte souscrites dans les contrats d’assurance-vie multi-supports ont représenté 30 % de la collecte brute sur le mois de juin (3,5 milliards d’euros).

Les rachats s’élèvent à 10,9 milliards d’euros en juin 2017. Ils atteignent 65 milliards d’euros sur le semestre contre 58,5 milliards d’euros un an plus tôt.

Des épargnants qui préfèrent la pierre et la liquidité

Ce résultat décevant s’explique par le refus d’une partie des épargnants de s’engager dans les unités de compte. Ils font le choix de renoncer à des versements sur leurs contrats plutôt que d’en affecter une partie en UC. Les ménages préfèrent conserver d’importantes liquidités sur leurs comptes courants voire regarnir leurs Livrets A (près de 10 milliards d’euros de collecte depuis le 1er janvier). L’encours des dépôts à vue a atteint plus de 400 milliards d’euros au mois de mai dernier.

Plusieurs autres facteurs concourent aux piètres résultats de l’assurance-vie. La baisse des taux de rendement a eu pour conséquence de les rapprocher de ceux des autres placements. La forte demande en biens immobiliers au cours de ces derniers mois se traduit par le maintien à un haut niveau des rachats. Même si l’évaluation est délicate, le développement des contrats luxembourgeois joue en défaveur de la collecte. La loi Sapin II qui permet aux pouvoirs publics de bloquer en cas de crise grave les contrats d’assurance-vie ainsi que la période électorale ont accru les flux en direction du Luxembourg.

La Flat Tax ou la quadrature du cercle

Les interrogations sur la Flat Tax % conduisent également des épargnants à reporter leurs placements quand bien même que les annonces répétées du Premier Ministre sur la non rétroactivité de cette modification.

En l’état des discussions, cohabiteraient en fonction de la date des versements deux régimes de taxation, l’ancien avec l’option entre le prélèvement libératoire dégressif en fonction de la durée du contrat et l’impôt sur le revenu et le nouveau. Ce dernier ouvrirait la possibilité pour les épargnants de choisir entre le barème de l’impôt sur le revenu auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux et la taxe dont le taux avoisinerait 30 %. Ce taux ne s’appliquerait pas aux assurés dont les versements seraient inférieurs à 150 000 euros à compter de la date de sa mise en place. Ce système risque d’être complexe à gérer et à expliquer. Étant donné que ce sont les assureurs qui réalisent la liquidation des prélèvements, ils devront avoir accès aux données de l’ensemble des contrats de leurs clients pour déterminer s’ils sont en-dessous ou au-dessus des 150 000 euros.

L’application de la Flat Tax aboutit à un alourdissement de la fiscalité surtout pour ceux dont le contrat a plus de 8 ans (Plus de 62 % des assurés). Le taux de prélèvement passe alors de 23 % (24,7 % avec la majoration de la CSG prévue au 1er janvier 2018) à 30 %. La question du maintien de l’abattement de 4600 pour un célibataire et de 9200 euros pour un couple est posée mais n’a pas eu de réponse claire des pouvoirs publics.

Par ailleurs, cette Flat Tax a comme conséquence de réduire les prélèvements pour les contrats de moins de 8 ans. En effet, en retenant l’option du prélèvement libératoire, le taux est de 50,5 % (35 +15,5) pour les contrats de moins de 4 ans et de 30,5 % pour ceux ayant entre 4 et 8 ans. L’intérêt sera encore plus important quand la CSG sera relevée de 1,7 point. De ce fait, la Flat Tax pénalise le placement en assurance-vie à long terme. En outre, en période de remontée des taux d’intérêt, les épargnants ne seront pas dissuadés à fermer leurs vieux contrats peu rémunérés au profit de contrats récents au rendement plus important.

Philippe Crevel , Juillet 2017

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