L’allocation d’actifs traditionnelle est-elle toujours d’actualité ?

Parfois, je me demande si les allocataires d’actifs se rendent compte de la chance qu’ils ont eue. Nous avions l’habitude de combiner les obligations aux actions pour construire un portefeuille diversifié. Les obligations souveraines, de nombreux pays, étaient de grande qualité. Mais, j’ai bien peur que ces temps sont maintenant terminés...

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Parfois, je me demande si les allocataires d’actifs se rendent compte de la chance qu’ils ont eue.
Nous avions l’habitude de combiner les obligations aux actions pour construire un portefeuille diversifié. Les obligations souveraines - de nombreux pays – étaient de grande qualité. Mais, j’ai bien peur que ces temps sont maintenant terminés. Pourquoi ? Parce que l’assouplissement quantitatif a réduit à néant les propriétés mêmes des titres à revenu fixe qui en faisaient un élément essentiel d’une allocation équilibrée. La solution des facteurs d’investissement est peut être la meilleure solution que nous avons actuellement.

_ La recherche de diversification

Pour la plupart des investisseurs européens, les obligations souveraines domestiques constituent la base de leur allocation d’actifs. Ces obligations sont utilisées à la fois pour leur rendement attrayant et pour la forte diversification qu’elles procurent. Mais qu’entend-on réellement par diversification ? Pour moi, cela signifie que ces titres pouvaient protéger les actifs d’un investisseur dans les moments difficiles, en augmentant normalement de valeur lorsque les marchés d’actions étaient orientés à la baisse. Qui plus est, les coupons des obligations expliquaient pour une large part les rendements attendus par les investisseurs, tout en permettant à ces derniers de couvrir leurs propres passifs. Mais, tout cela semble désormais bien loin.

Vers quelles autres classes d’actifs les investisseurs à la recherche de diversification peuvent-ils donc se tourner ? L’immobilier est un exemple évident, mais sa faible liquidité reste un inconvénient majeur. Les investisseurs institutionnels ont tendance à avoir un avis mitigé à l’égard des marchés de matières premières, attirés par leurs (parfois) faibles corrélations avec les autres actifs, mais rebutés par leurs niveaux élevés de volatilité. De leur côté, les fonds alternatifs qui semblaient miraculeux dans les années 2000 - cela ne concernant que les meilleurs d’entre eux – ne constituent qu’une solution satellite. Étrangement, les frais qu’ils facturent ont plus préoccupés les investisseurs que leur corrélation avec les marchés des actions.

Le problème est assez simple. Les investisseurs veulent être en mesure de reproduire le comportement passé des obligations souveraines, mais dans le monde d’aujourd’hui ceci est tout simplement impossible. Les obligations souveraines de grande qualité offraient auparavant d’excellents bénéfices en termes de diversification mais aussi des coupons attractifs.

Maintenant, ces titres ne sont plus aussi sûrs (comme nous l’avons vu lors de la crise de la dette grecque) et, compte tenu de leur absence de rendement, ils ont perdu leur capacité à être une source diversification (sauf si nous imaginons un monde de taux d’intérêt négatifs se prolongeant dans le temps). Pire encore, nous pouvons envisager des scénarii où les taux d’intérêts seraient plus élevés avec des marchés boursiers en chute. Quelle serait alors la raison pour investir à long terme dans des obligations sans rendement ? La diversification en termes de contrepartie ne peut pas justifier la forte probabilité de perdre de l’argent pour les investisseurs, après avoir tenu compte des effets de l’inflation.

_ Les frontières entre classes d’actifs sont devenues floues

Au cours des dernières années, la réaction naturelle des investisseurs a été de rechercher la diversification en allouant leurs capitaux sur des classes d’actifs ressemblant aux obligations souveraines : elles comprennent les obligations convertibles, le High Yield, les obligations des marchés émergents et la dette privée pour n’en nommer que quelques-unes. Mais le souci majeur est que le fait que ces titres se comportent davantage comme des actions que comme des obligations souveraines.

Grâce à la combinaison liée à la baisse de la qualité des obligations souveraines et à la diversification forcée de leur poche obligataire, les investisseurs ont rendu cette poche plus semblable à une allocation actions. Ce qui est loin d’être rassurant ! C’est probablement même l’exact opposé d’une véritable diversification.

En attendant, bien que l’Alternatif reste un concept magnifique, l’assouplissement quantitatif a détruit la volatilité et, dans ce processus, la plupart des stratégies acheteuses de volatilité. Cela a conduit les investisseurs à favoriser à la place des stratégies actions. Qui plus est, l’univers des fonds alternatifs est devenu extrêmement flou compte tenu de la multiplication des styles d’investissements tels que les liquid et illiquid absolute return, le total return, le unconstrained fixed income et plus encore.

Dans le même temps, les actions sont devenues plus complexes. L’environnement de taux bas et la recherche de rendement a poussé les investisseurs à rechercher dans l’univers actions des titres pouvant servir de substitut aux obligations, bien que pouvant réagir négativement à une forte augmentation des taux d’intérêt. En bref, les actions ressemblent de plus en plus aux obligations et inversement.

_ Le besoin pour un nouveau système d’allocation d’actifs

Donc, pour résumer, nous utilisons encore un ancien système d’allocation d’actifs qui a bien fonctionné dans son ensemble pendant plusieurs décennies - même si les rendements des actions sont difficiles à anticiper, les rendements des obligations ont été relativement faciles à prévoir sur des horizons de temps plus longs. En revanche, aujourd’hui les ingrédients d’un portefeuille traditionnel équilibré ont énormément changé de nature. Face à ce nouveau contexte, quelles sont nos chances de succès dans le futur ?

Premièrement, nous devons comprendre que pour l’instant nous ne pouvons plus compter sur les obligations pour diversifier nos investissements.

Si l’un des deux principaux moteurs de performance est désactivé pour l’instant, le seul qui reste est celui lié au bêta des marchés actions. Nous pouvons tous concevoir les effets d’un monde dans lequel les obligations souveraines ne fournissent pas la sécurité offerte dans le passé. Dans un tel scénario, nous aurions à augmenter fortement la vitesse à laquelle nous ajoutons et supprimons des risques à des portefeuilles financiers, étant donné que les poches sécuritaires dont nous disposions ne fonctionnent plus. Nous aurons aussi besoin d’être plus réactifs en matière d’allocation tactique.

Deuxièmement, nous devons élargir notre univers d’investissement pour améliorer la diversification et de chercher des sources additionnelles de rendement.

_ Les facteurs d’investissement peuvent être une solution

De quoi disposent aujourd’hui les allocataires d’actifs ? De pas grand-chose, à part les facteurs d’investissement. Ces facteurs sont assez semblables à des classes d’actifs dans le sens où tous les deux exigent une prime de risque, mais les facteurs sont plus simples à gérer, ils sont une pure mesure mathématique.

En effet, les facteurs ne se soucient pas du fait qu’une série de données se rapporte à des obligations convertibles ou à des actions ; ils vont repérer le mouvement derrière ces chiffres.

Les critiques tiennent au fait que les contraintes des clients, les processus de régulation et d’investissement devront évoluer pour que nous soyons en mesure de les utiliser à la place de l’ancien système combinant des obligations et des actions. J’espère que tout ceci va se passer assez rapidement pour que nous n’ayons pas à attendre un incident majeur lié à une allocation d’actifs traditionnelle, ce qui nous obligerait à reconnaître qu’il existe un problème en la matière.

Toutefois, les facteurs ne sont pas la panacée. Leurs relations ne sont pas stables dans le temps et leurs définitions doivent être encore normalisées même s’ils fournissent un niveau utile de diversification. Ceci est le cas pour les facteurs standard tels que la taille de la capitalisation, la qualité, les dividendes et les pays, ainsi que pour les facteurs alternatifs tels que le momentum et le carry.

Bien que les facteurs d’investissement ne soient pas une option peu onéreuse, ils représentent néanmoins une nouvelle dimension fascinante dans la façon de répondre et de mesurer les risques.

Patrick Fenal , Octobre 2015

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