Japon : nouveau départ ou fuite en avant

Selon Laetitia Baldeschi, Stratégiste chez CPR AM, « le Japon n’a plus le choix face à la diminution de sa population active. Comme l’indique la banque centrale, il ne s’agit plus de s’arrêter au milieu du gué. Une chose est maintenant sûre ; les politiques seront cohérentes avec un objectif : redynamiser la croissance potentielle en sortant définitivement de la déflation. »

Pourquoi la BoJ annonce-t-elle le 31 octobre dernier une extension de sa politique quantitative et qualitative ?

Beaucoup d’observateurs ont été surpris par cette décision de la banque centrale japonaise. Pour autant, elle apparaît logique si l’on reprend l’ensemble de sa communication depuis la mise en place en avril 2013 de la politique quantitative et qualitative, considérée comme la première flèche des Abenomics. En effet, la BoJ a un seul objectif : ramener l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation hors alimentation fraîche à 2% et ce, le plus rapidement possible (à un horizon de 2 ans).

Or, l’économie japonaise a réagi plus violemment qu’anticipé à la remontée de 3 points du taux de TVA, ou plus exactement, la phase de rebond attendue après un repli de l’activité aux mois d’avril et mai ne s’est pas produite.

Le rebond des exportations, conséquence prévisible de la baisse du yen, n’est pas au rendez-vous. Par ailleurs, l’accélération espérée des salaires réguliers ne se produit toujours pas et la hausse de l’inflation vient amputer le pouvoir d’achat des ménages.

Le cercle vertueux ne s’enclenche pas. Au mieux, les anticipations d’inflation selon les différentes mesures se stabilisent. A cela, on doit ajouter la chute du prix du pétrole qui, si elle est un avantage pour le pays importateur net d’énergie et sa balance commerciale, vient exercer une pression à la baisse sur l’indice des prix. Dans ce contexte, l’objectif d’inflation à 2% semble, en l’état, compromis.

Seule possibilité pour la Banque du Japon : augmenter de nouveau la taille de son bilan en étant, cette fois-ci, très explicite sur le fait que cette politique persistera tant que l’objectif d’inflation à 2% ne sera pas atteint de manière stable, supprimant ainsi tout calendrier précis et contraignant.

Mais alors, comment interpréter la réaction dupremier ministre, M. Abe ?

Il est vrai que, vu de France, cette dissolution de la Chambre basse alors qu’il restait deux ans à l’actuelle législature n’était pas vraiment prévisible. Toutefois, il semble que l’occasion était belle. En effet, l’intervention de la BoJ a eu comme effet une baisse notable du yen, de 9% entre le 31 octobre et début décembre, ce qui entraîne les actions à la hausse, avec une progression du Nikkei de 13% sur la même période.

Ce rebond a indéniablement un effet favorable sur le moral des agents, avant d’exercer un effet richesse réel.

L’autre décision du gouvernement Abe qui aura vraisemblablement un impact non négligeable sur le moral des ménages est le report au mois d’avril 2017 de la hausse de TVA de 2 points prévue initialement en octobre 2015. Compte tenu de l’impact négatif sur la croissance du dernier relèvement, ce report est une bonne nouvelle en matière de perspectives d’activité. Ce retour d’un environnement plus favorable, alors même que la popularité de M. Abe commençait à montrer des signes d’effritement, est une fenêtre d’action pour le Premier ministre, alors même que l’opposition politique ne semble toujours pas être une menace.

Une dissolution de la chambre basse… mais pour quoi faire ?

L’idée, nous semble-t-il, est de donner un second souffle aux Abenomics. Le Premier ministre ne s’en est d’ailleurs pas caché en annonçant d’ores et déjà la préparation d’un budget supplémentaire pour l’année fiscale 2015, qui sera présenté dès le mois de janvier ; c’est là la réactivation de la seconde flèche des Abenomics, via une politique budgétaire plus expansive. Reste la troisième flèche des Abenomics, la relance de la croissance potentielle et là, la situation est plus confuse.

S’il y a eu besoin de raviver les deux autres flèches, c’est bien pour compenser la faiblesse de cette troisième flèche.

Les réformes structurelles prennent du temps. Dans le cadre du Japon, on peut vraiment parler de changement en profondeur de la société. Les résultats tangibles sont encore loin, même si les lois sont présentées, examinées et votées. M. Abe a besoin de compter ses soutiens aujourd’hui. La tâche en la matière est encore importante et 4 années d’actions supplémentaires sans échéance électorale majeure seront bien utiles. Des sujets majeurs sont à l’ordre du jour, comme la réouverture de certaines centrales nucléaires. Ces décisions ne peuvent se passer d’un soutien politique important.

Mais cette politique est-elle une fuite en avant ?

Le Japon n’a plus le choix face à la diminution de sa population active. Comme l’indique la banque centrale, il ne s’agit plus de s’arrêter au milieu du gué. Une chose est maintenant sûre ; les politiques seront cohérentes avec un objectif : redynamiser la croissance potentielle en sortant définitivement de la déflation. Ce volontarisme aura des coûts à plus long terme, surtout lorsque l’on considère l’importance de la dette publique japonaise. La BoJ s’est d’ailleurs émue du report de la hausse de la TVA, qui devait contribuer à ramener les finances publiques vers l’équilibre primaire à l’horizon de 2020. Néanmoins, cette question ne semble plus une priorité… au moins tant que la BoJ achète 80 mille milliards de yens de titres publics par an, soit un montant annuel équivalent à 17% du PIB !

Laetitia Baldeschi , Décembre 2014

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