Introduction à l’investissement conforme à la Charia : Les sukuk

La finance islamique, qui regroupe toute une gamme de produits et de services conformes à la loi islamique plus connue sous le nom de Charia, a récemment été l’un des segments les plus dynamiques du secteur des services financiers.

L’un des principes de base de la finance islamique est l’absence d’intérêts (riba) dans les transactions. Le modèle de la finance islamique fonctionne sur la base du partage des risques. Tous les contrats sont rédigés sur la base de ce principe et l’impossibilité de payer ou de recevoir des intérêts. Concrètement, le « bénéfice » réalisé par une banque sur, par exemple, le financement d’un crédit immobilier est jugé comme conforme à la Charia s’il est considéré comme une rétribution (ou un honoraire) du risque assumé par la banque.

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Mohieddine Kronfol, Directeur de l’investissement Sukuk et Obligations pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

En outre, les institutions offrant des produits conformes à la Charia cherchent à s’assurer que toute ambiguïté (« gharar ») soit minimisée dans le cadre des transactions et des contrats. L’implication dans des activités non-éthiques (alcool, porc, pornographie et jeux) est interdite. Les établissements de finance islamique ont mis en place des conseils de surveillance composés d’universitaires islamiques qui ont pour mission de valider les structures proposées avant que l’établissement puisse y investir.

La finance islamique est un concept relativement nouveau, du moins dans sa forme actuelle. Dans les années 1960, des investisseurs musulmans aisés ont cherché à protéger et à accroître leur patrimoine sans passer outre les règles régissant leur foi. Cela s’est traduit par le lancement d’institutions d’épargne et de banque de dépôts conformes à la Charia. La banque commerciale et le financement de projets sont apparus au milieu des années 1970 et, au cours des 20 dernières années, la finance islamique s’est diffusée à des services et des produits alternatifs comme les fonds immobiliers et, plus récemment, aux outils de gestion des liquidités et aux instruments obligataires comme les sukuk.

Les sukuk sont l’un des segments de la finance islamique qui s’est développé le plus rapidement ces derniers temps. Les sukuk sont donc des instruments obligataires qui sont structurés de manière à être conformes aux principes islamiques, en particulier les règles interdisant la facturation ou le paiement d’intérêts.

Ainsi, les sukuk ne versent pas d’intérêt fixe (le coupon) mais une « part du bénéfice ».

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Stephen H. Dover, CFA® Directeur de la gestion, Local Asset Management

Compte tenu de l’interdiction du paiement d’intérêts, de l’obligation de prévoir des actifs sous-jacents tangibles pour toutes les transactions et de la phase de développement précoce de ce marché, les produits de dette conformes à la Charia sont encore rares. Mais les émissions augmentent rapidement. Une étape importante a été franchie au début de l’année 2012, lorsque l’Arabie saoudite a émis son premier sukuk garanti par l’État en vue de financer l’expansion de l’aéroport international de Djeddah. Cette opération a constitué la plus importante émission de dette garantie par un État dans un pays émergent depuis 10 ans. D’autres émissions ont suivi en 2012, sous l’impulsion de certains pays du Conseil de coopération du Golfe, groupement politique et économique de plusieurs pays arabes.

Depuis, des acteurs non-islamiques sont entrés sur le marché des produits et services conformes à la Charia.

De nombreux pays (Australie, Irlande et Hong Kong) et entreprises prévoient d’émettre, ou l’ont déjà fait, des instruments conformes à la Charia susceptibles de séduire les investisseurs musulmans.

Mais les émetteurs ne sont pas seulement intéressés par la diversification de leurs sources de financement et le fait d’exploiter la richesse croissante et les liquidités abondantes du Moyen Orient et d’Asie. Après la crise financière de 2008 et la récente crise de la dette en zone euro, les émetteurs institutionnels classiques ont aussi pris conscience des risques inhérents aux obligations traditionnelles. Ils sont donc naturellement attirés par les produits comme les sukuk, qui sont adossés à des actifs réels et découragent tout endettement excessif.

Selon nous, les initiatives visant à accroître la transparence et l’instauration d’un cadre de gouvernance universel relatif à la Charia pourraient augmenter le potentiel des sukuk et doper la compétitivité et la croissance des institutions de finance islamique.

Mohieddine Kronfol , Stephen H. Dover , Janvier 2013

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