›  Opinion 

Hausse des taux : une mauvaise nouvelle pour les actions ? Pas quand l’inflation est maîtrisée

L’analyse de données historiques remontant à 1919 montre qu’à une variation d’un point du taux d’intérêt à long terme sur un mois, correspond effectivement une variation de -2,0% du marché actions. Si l’on enlève les 20% de variations les plus extrêmes, l’impact est de -3,6%, et est significatif au sens statistique.

Un impact mais négligeable

L’analyse de données historiques remontant à 1919 [1] montre qu’à une variation d’un point du taux d’intérêt à long terme sur un mois, correspond effectivement une variation de -2,0% du marché actions. Si l’on enlève les 20% de variations les plus extrêmes, l’impact est de -3,6%, et est significatif au sens statistique.

Mais comme le montre le graphique ci-dessus, le taux d’intérêt est finalement d’un faible pouvoir explicatif sur les performances du marché actions. Sa variation n’explique que 0,5% de la volatilité des rendements mensuels, c’est-à-dire très peu.

Si l’on regarde maintenant les fortes hausses de taux en se restreignant aux 10% de mouvements les plus forts depuis 1919 (soit une hausse supérieure à 21 points de base sur un mois), la variation moyenne est négative mais on observe une forte variabilité, 45% des occurrences se soldant par une performance positive du marché actions. Par ailleurs, il n’y a pas de lien entre l’ampleur de la hausse des taux et le mouvement du marché actions (voir graphique ci-contre).

L’exemple souvent évoqué sur l’impact de la hausse des taux sur le marché actions est 1994. Début 1994, la Réserve Fédérale entame un cycle de remontée de son taux directeur qui va porter celui-ci de 3% à 6% début 2015. Parallèlement, le taux sur les obligations à dix ans du Trésor américain bondit de 5,7% à plus de 8,0% fin 1994, ce qui entraîne une baisse d’environ 14% du prix d’une obligation à dix ans. Côté actions, l’indice S&P 500 a baissé de 1,5% sur l’année et a connu un drawdown maximum de 8,9% entre le début février et la fin du mois de mars. Le marché actions réagit au final modérément à ce krach obligataire. Le Taper tantrum, lorsque Ben Bernanke annonce au printemps 2013 que la Réserve Fédérale envisage de réduire ces achats de titres, constitue un autre exemple. De 1,66% le 26 avril 2013, les taux atteignent 3,0% fin décembre. Pendant ce temps, le S&P500 progresse encore de plus de 16%.

Dans le temps, on constate que la corrélation entre les taux et les actions n’est pas stable. Elle a été positive au début des années 30, entre 1955 et 1965 et depuis 2000. Ces périodes correspondent à des périodes de déflation ou de faible inflation. Inversement, elle est plutôt négative lorsque l’inflation est élevée. Dans un contexte d’inflation élevée, la politique monétaire est davantage portée à peser sur la croissance pour ralentir une inflation trop forte, ce qui n’est pas bon pour les actions. Inversement, dans les périodes de faible inflation, les taux longs sont davantage influencés par les évolutions de l’activité économique que par l’inflation. Une hausse des taux correspond donc à une amélioration de la conjoncture, ce qui est positif pour les actions. Inversement, une baisse des taux correspond à un moment de ralentissement économique, ce qui pénalise les résultats des entreprises.

Depuis 1984, la remontée des taux de la Fed s’accompagne d’une hausse des actions

Une fois la perspective de l’inflation forte éloignée par la violente récession causée par les hausses de taux décidées par Paul Volcker au début des années 80 afin de casser la logique inflationniste, les cycles de hausse de taux ont plutôt correspondu à des phases de progression des marchés actions. Cela s’explique par le fait que la politique monétaire a davantage réagi au cycle économique qu’aux surprises sur l’inflation, remontant les taux dans les phases de reprise pour réduire le risque de poussée inflationniste. Lorsque la banque centrale remonte ses taux, c’est que la conjoncture s’améliore : généralement les profits des entreprises font de même. Ceci étant dit, la phase actuelle pourrait être un peu différente dans la mesure où la remontée des taux de la Fed intervient relativement tard dans le cycle économique.

Conclusion

Pour résumer, la hausse des taux, tant qu’elle n’est pas la réaction à une poussée inflationniste ne menace pas les marchés actions. Dans cette partie, notre étude a davantage reposé sur les données américaines qui permettent de remonter plus loin dans le temps. Les conclusions ne devraient pas différer pour les actions de la zone euro. Si la politique monétaire va rester très accommodante de ce côté de l’Atlantique, la remontée des taux longs américains, qui accompagnera le cycle de hausse des taux de la Fed, devrait avoir un impact sur les taux longs européens. Ce contexte de remontée des taux peut entrainer une rotation des valeurs importante au sein du marché actions.

Julien-Pierre Nouen , Novembre 2015

Notes

[1] Pour le marché actions, nous utilisons les données de Shiller, pour les taux longs américains, nous utilisons les données du NBER et de la Fed

Partager
Envoyer par courriel Email
Viadeo Viadeo

Focus

Opinion Les contrats à terme « Total Return » devraient poursuivre leur croissance compte tenu de l’engouement des investisseurs

En 2016, Eurex a lancé les contrats à terme « Total Return Futures (TRF) » en réponse à la demande croissante de produits dérivés listés en alternative aux Total return swaps. Depuis, ces TRF sont devenus des instruments utilisés par une grande variété d’acteurs à des fins (...)

© Next Finance 2006 - 2024 - Tous droits réservés