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Hausse des taux : quels titres seront impactés ?

Les taux d’intérêt sont en baisse presque continue des deux côtés de l’Atlantique depuis plus de vingt-cinq ans, une tendance de fond à peine interrompue par quelques rebonds d’ampleur modérée. La courbe s’est aplatie au point que, des taux d’intérêt à court terme aux taux à long terme, on frôle le même rendement, soit 0%.

De la politique accommodante à la normalisation

Les taux d’intérêt sont en baisse presque continue des deux côtés de l’Atlantique depuis plus de vingt-cinq ans, une tendance de fond à peine interrompue par quelques rebonds d’ampleur modérée. La courbe s’est aplatie au point que, des taux d’intérêt à court terme aux taux à long terme, on frôle le même rendement, soit 0%. Dans ce contexte, il parait légitime d’évaluer les conséquences d’une éventuelle remontée, qui nous semblerait par ailleurs logique.

Pour les marchés obligataires, une hausse des taux provoque une baisse des cours d’autant plus importante que la duration est longue. Pour les marchés d’actions, le raisonnement est loin d’être aussi simple.

Enjeux pour les valorisations des marchés actions

Il convient de distinguer au moins trois événements possibles :

  • la hausse des taux longs, dépendant des anticipations de marché sur la croissance et l’inflation ;
  • la hausse des taux courts, plus à la merci des décisions des banques centrales ;
  • et la pentification de la courbe, qui est l’écart entre les deux.

Chacun de ces mouvements aura des conséquences différentes.

Par ailleurs, et c’est un point capital souvent négligé, les effets de la remontée des taux sont de deux ordres. Le premier, qui est souvent le plus immédiat, porte sur la valorisation des actions. Le second, plus tardif, résulte de la hausse du coût de financement sur le résultat. Son impact sera plus ou moins important selon la situation nette de l’entreprise.

Impact sur la valorisation des entreprises

La valorisation des actions est liée aux anticipations du niveau de taux d’intérêt à long terme. En effet, la valeur d’une entreprise repose principalement sur l’actualisation de flux futurs de trésorerie au coût moyen pondéré du capital. Or, ce dernier est pour partie fonction du niveau de taux dit « sans risque ». Ainsi, plus une entreprise a une rentabilité stable ou en croissance structurelle, plus sa visibilité sur son activité sera longue dans le temps. Et plus grande sera la part de valorisation liée à ses cashflows générés dans un futurs lointain. Son comportement se rapprochera donc de celle d’une obligation longue. Pour cette raison, le taux d’actualisation choisi est extrêmement important pour calculer la juste valeur d’un tel profil.

À l’inverse, une société industrielle, dont les débouchés sont plus cycliques et sensibles à la conjoncture économique, aura tendance à être évaluée sur la génération de trésorerie à un horizon proche. Dans ce cas, le niveau de taux d’intérêt est de moindre importance pour sa valorisation.

Cela peut paraître paradoxal, mais les valeurs cycliques, bien que plus volatiles, peuvent être moins sensibles aux fluctuations des taux d’intérêts que les valeurs considérées comme défensives.

Par ailleurs, dans Dans une période de taux bas, les valeurs dites « de croissance » ont tendance à être mieux valorisées que les valeurs cycliques. Et les titres offrant une bonne visibilité ont donc tendance à surperformer en période de baisse des taux. C’est une des raisons pour lesquelles les secteurs de la pharmacie ou de la consommation non cyclique se sont si bien comportés en bourse depuis plusieurs années : elles offrent croissance et visibilité dans un environnement de taux baissier qui est favorable à ce type de valeurs.

À l’inverse, plus les taux sont élevés, plus grande est l’importance du présent par rapport au futur. Si les taux sont élevés, les actions dont l’activité bénéficie d’une bonne conjoncture sont d’autant mieux valorisées.

Au-delà de la nature des cashflows, se pose aussi la question de leur distribution. À condition que l’entreprise mène une politique raisonnable de rémunération de ses actionnaires, le rendement du dividende présent est le signe le plus tangible de sa capacité à offrir un rendement élevé durable. La période que nous traversons depuis 2011 est, de ce point de vue, remarquable :

  • La récession de 2008/2009 avait poussé les marchés actions européens à des niveaux très bas, tandis que la plupart des entreprises parvenaient à se restructurer et régénéraient leur trésorerie.
  • Sur les marchés obligataires, la crise de 2011 a poussé les banques centrales à exercer des politiques si accommodantes que les taux d’intérêt sont tombés à des niveaux proches de zéro (voire en-dessous dans certains cas).

Cela a débouché sur une situation, pour ainsi dire unique dans l’histoire, où le rendement des actions est devenu supérieur à celui des obligations d’État. Les investisseurs institutionnels, en quête de rendement, ont eu tendance à privilégier les sociétés offrant des dividendes réguliers et généreux : pour cette raison, les actifs d’infrastructure, d’assurance, ou encore d’immobilier coté, ont fortement surperformé. Dans un contexte de tension sur les taux, ces valeurs devraient faire l’objet de désengagements.

Enfin, toujours concernant l’évaluation, il faut mentionner la valorisation du passif. Si la dette est financière, elle n’offre pas matière à débat. En revanche, la dette non financière fait, elle aussi, l’objet d’une actualisation. La valeur actualisée des dépenses futures - retraites, démantèlement de mines ou de centrales nucléaires, indemnisations…- vient en déduction de la valeur d’actif de la société. Plus le taux d’actualisation est bas et plus la valeur présente de ces dépenses futures est élevée. C’est ainsi que les entreprises dotées de passifs importants de cette nature ont été pénalisées par le niveau très bas des taux d’intérêt, en Allemagne en particulier. Il faut retenir ici que c’est le taux d’actualisation « net » qui est important, c’est-à-dire l’écart entre le taux sans risque et l’hypothèse d’inflation retenue à long terme. Un taux de 5% couplé à une hypothèse de 2% donne un taux d’actualisation net de 3% qui semble raisonnable. Mais que faire quand les taux sont à 1% ? Devrait-on actualiser à un taux nul ou négatif ? Ouvrir cette boîte de Pandore, c’est faire un grand saut dans l’inconnu. C’est risquer de penser que plus les flux sont lointains, plus leur valeur présente est élevée. C’est entrer dans le monde de l’absurde. Une normalisation des taux longs vers 3 ou 4%, avec une inflation contenue, devrait permettre aux titres chargés en dettes non financières de retrouver des couleurs.

Impact sur les résultats des entreprises

La remontée du taux sans risque peut avoir également un impact sur la rentabilité nette d’une entreprise. Et cela, pour peu qu’elle soit endettée financièrement, auprès des banques ou par l’intermédiaire d’obligations émises dans le marché, mais aussi par l’intermédiaire de son activité propre. Les compagnies d’assurance et les banques en sont le premier exemple.

La part du résultat financier dans l’assurance dommage ou la réassurance est considérable. Les primes encaissées sont en effet placées en grande majorité sur des obligations à faible risque. Plus le rendement de celles-ci est élevé, meilleur est le résultat financier.

À l’inverse, une entreprise fortement endettée verra, au fur et à mesure, son coût de financement augmenter avec le renouvellement de ses échéances.

En ce qui concerne l’assurance-vie, les placements monétaires ou la rémunération des dépôts bancaires (dans certains pays), plus le taux servi au client est élevé, plus a banque ou la compagnie d’assurance peut se permettre de prélever une marge importante. Il est possible de prélever 0,1 ou 0,2% de marge sur un placement qui rapporte 3% ; c’est beaucoup plus compliqué quand il s’agit d’un placement au rendement brut initial de 0,5% !

La pentification, un déterminant majeur pour certains secteurs

Il convient enfin d’étudier la « courbe des taux d’intérêts », qui trace la structure des taux d’intérêts, à un moment donné, en fonction de leur maturité (du court terme au long terme). Cette courbe peut être ascendante (taux longs supérieurs au taux courts), plate (taux courts proches des taux longs) ou inversée (taux longs inférieurs aux taux courts). En général, la partie longue de la courbe des taux monte, par anticipation d’inflation ou de reprise économique, préalablement à la hausse des taux courts, eux-mêmes plus directement influencés par la politique monétaire de la banque centrale.

Les taux courts rémunèrent en général la trésorerie des entreprises. Si celle-ci est abondante, (si le besoin en fonds de roulement (BFR) est négatif) comme c’est le cas, par exemple, dans la distribution alimentaire, la hausse des taux courts est une bonne nouvelle.

Pour les banques, l’écart entre le niveau des taux courts et des taux longs, que l’on appelle la pente, est un déterminant de leur rentabilité. Elles ont tendance à prêter à long terme et à se refinancer à plus court terme. C’est l’activité dite de transformation. Ainsi, plus l’écart entre le niveau des taux courts et celui des taux longs est élevé, plus la courbe est pentue et plus la transformation est profitable. À l’inverse, si les amplitudes des remontées des taux courts et des taux longs sont identiques, la rentabilité de l’activité de transformation ne s’améliore pas.

Régis Bégué , Novembre 2015

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