Gestion Multi-Asset : Entre nuages noirs et éclaircies, entre risques et opportunités

Selon Thomas Page-Lecuyer, Spécialiste des investissements chez CPR Asset Management, dans le contexte actuel, un profil tout terrain s’impose, au même titre qu’une grande flexibilité dans l’allocation et une juste réactivité quant aux risques imminents et aux opportunités à saisir...

Comment définiriez-vous le contexte sur les marchés ces derniers mois ?

Depuis le printemps, des nuages noirs reviennent survoler les marchés financiers. En passant, ils ont grondé, et ils ont réveillé la volatilité. A quatre reprises ces derniers mois, la masse nuageuse s’est montrée, et à chaque fois les marchés se sont repliés, avant de rebondir invariablement. Parmi les facteurs contrariants, c’est sans surprise le président des États-Unis qui se taille la part du lion avec ses initiatives visant à corriger les déficits commerciaux bilatéraux des États-Unis, quitte à basculer dans une guerre commerciale hautement déstabilisante pour les marchés. En parallèle, la dynamique économique s’est légèrement essoufflée au printemps, un ralentissement notable qu’on retrouve par le repli d’un certain nombre d’indicateurs macro-économiques. Par ailleurs, comme depuis de longs mois et même plusieurs années, le risque politique pèse encore sur la zone euro, et sur plusieurs fronts : d’un côté, le Brexit, encore et toujours, et de l’autre la politique ouvertement eurosceptique en Italie. Il n’en faut pas plus pour casser la convergence de la dynamique économique qui prédominait en début d’année. C’est d’ailleurs le point positif à retenir, le motif d’optimisme principal. Mais cela n’a pas duré et le printemps a vu cette convergence exploser avec les États-Unis d’un côté, où la réforme fiscale a protégé les anticipations de croissance, et le reste du monde de l’autre.

Avec les risques politiques pesant sur l’Europe, la zone a été mise sous pression, mais est-ce la seule ?

Il n’y a pas que l’Europe qui s’est vue recouverte de nuages noirs, loin s’en faut. La crise de confiance qu’essuie le gouvernement Abe suite au scandale Moritomo a pesé sur les marchés japonais. Quant aux marchés émergents, ils ont lourdement souffert, la Chine en tête.

Les motifs de déclin ont été nombreux, qu’il s’agisse du rebond du dollar, de la hausse des taux longs américains à leurs plus hauts niveaux depuis près de 5 ans, ou du rapatriement des liquidités par les entreprises américaines.

Comment cela s’est-il traduit sur les marchés ?

Dans ce contexte, les marchés actions ont eu des sueurs froides. Mais pour les marchés de taux le pilotage s’avère également délicat, cette année encore. Entre risques marqués sur les marchés (risques politiques européens et risque de guerre commerciale en premier lieu) et des politiques monétaires de moins en moins accommodantes, il faut se montrer fi n tacticien pour piloter correctement. Car, cela va sans dire, l’aversion au risque et les politiques monétaires influencent et redessinent les courbes de taux. Ces dernières se sont amplement aplaties, par la partie courte en zone euro et au Japon suite aux discours accommodants des banquiers centraux, et par la partie longue aux États-Unis où la Réserve Fédérale a augmenté deux fois les taux directeurs au premier semestre.

Si les spreads périphériques se sont resserrés en Espagne et au Portugal, ils se sont écartés en Italie où les intentions budgétaires interrogent. Il s’agit d’ailleurs d’un scénario de risque réel à court terme pour les marchés.

Faut-il donc vraiment s’inquiéter quant aux perspectives ?

Non, il ne faut pas s’y tromper, tout ne vas pas mal, au contraire. Les raisons de se montrer optimiste sont nombreuses en cette fi n de troisième trimestre. Les indicateurs macro-économiques se redressent dans de nombreuses zones : J. Powell a montré un visage optimiste et encourageant à Jackson Hole, et l’accord commercial entre les États-Unis et le Mexique prouve que de nouveaux angles de libre échange sont possibles. D’ailleurs, en tenant l’inventaire des risques présents, on aurait pu craindre pour les marchés et pourtant, ils n’ont pas plongé. La principale raison de cette résistance est toute trouvée : il s’agit de la dynamique de bénéfices des entreprises, avec des résultats qui ont dépassé les attentes sur l’ensemble des zones géographiques au premier semestre. On a ainsi pu observer une croissance des bénéfices à deux chiffres aux États-Unis avec une progression historique de + 25 % au deuxième trimestre et des estimations de + 18 % au troisième, contre + 8 % pour l’Europe et + 15 % pour les pays émergents. Jusqu’ici, les investisseurs n’ont pas totalement intégré les risques liés aux tensions commerciales persistantes pour se focaliser sur les résultats des entreprises.

Dans ce contexte, un profil tout terrain s’impose, au même titre qu’une grande flexibilité dans l’allocation et une juste réactivité quant aux risques imminents et aux opportunités à saisir. C’est ce que les fonds de la gamme Croissance ont appliqué depuis le début de l’année, affichant une belle performance grâce à un ajustement tactique précieux dans ce contexte volatile.

Quel est le facteur de risque principal pour les mois à venir ?

Là où le bât blesse : la désynchronisation des dynamiques économiques. Pour assurer une pérennité des dynamiques mondiales et éviter les pics de volatilité, il convient de maintenir une certaine homogénéité et une synchronisation. Et c’est précisément ce que les risques actuels ont défait. Les menaces politiques italiennes et les craintes de hard Brexit ont ralenti le rythme de la dynamique européenne, quand le risque de guerre commerciale a complètement cassé celui des pays émergents.

Peut-on espérer revoir une convergence de ces dynamiques ?

Oui, tout porte à croire que cette synchronisation peut revenir. En effet, les derniers indicateurs américains font preuve d’une décélération, les indicateurs européens d’accélération, et le récent déclin du dollar est porteur d’espoir pour les pays émergents. Dans ce cadre, nous demeurons optimistes mais bien conscients qu’il faudra continuer de piloter l’allocation finement, avec de la souplesse et beaucoup de réactivité. Les occasions de réveiller la volatilité seront nombreuses d’ici la fin de l’année, qu’il s’agisse des discussions autour du budget italien, de la menace de rupture entre l’UE et le Royaume- Uni, des regains de tension entre les États-Unis et le reste du monde, et, bien sûr, des fluctuations du dollar. Il n’en reste pas moins des fondamentaux solides, des facteurs sur lesquels nous capitalisons pour réaliser de la performance, tout en restant flexibles en toute circonstance.

Thomas Page-Lecuyer , Septembre 2018

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