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Evaluer l’impact du Covid-19 sur les marchés immobiliers

Peter Hayes, directeur monde de la recherche immobilière chez PGIM Real Estate, revient sur l’impact potentiel du Covid-19 sur les marchés immobiliers mondiaux. PGIM Real Estate est le bras armé en investissement immobilier de PGIM, la filiale de gestion d’actifs de l’assureur américain Prudential Financial, Inc. dont les encours sous gestion s’élèvent à environ 1 300 milliards de dollars.

De la même façon que les conséquences de la crise financière de 2008 sur l’économie mondiale sont encore aujourd’hui palpables – réglementation accrue du secteur bancaire, cycles de développement contraints, ratios d’endettement plus faibles que par le passé – il est probable que le Covid-19 ait un impact durable sur l’économie en général et le secteur immobilier en particulier.

Bien que la crise n’en soit toujours qu’à ses prémices dans de nombreuses régions du monde, il est d’ores et déjà possible de faire certaines observations sur sa nature ainsi que de dresser des hypothèses quant à ses implications pour les marchés immobiliers :

Nature de la crise

  • La crise a eu un impact sur l’économie mondiale d’une ampleur inédite en temps de paix.

La plupart des pays – développés comme émergents – ayant imposé des mesures de confinement strictes et des restrictions importantes à l’activité économique, la récession mondiale sera probablement bien plus sévère que lors de la crise financière de 2008.

  • Les économies et les marchés se redresseront avec le temps.

Une sortie de crise devrait toutefois se profiler à moyen terme, comme déjà constaté dans certaines parties de la région Asie-Pacifique, grâce à une combinaison de facteurs tels qu’un taux de reproduction plus faible de la maladie, l’adaptation progressive des systèmes de santé, la mise au point d’un traitement ou d’un vaccin efficace, ou le phénomène d’immunité collective.

  • Les prérogatives des pouvoirs publics ont été considérablement étendues.

Des actions politiques qui, il y a quelques mois encore, auraient été considérées inconcevables – du confinement imposé par les gouvernements aux plans de relance monétaire colossaux mis en place, en passant par les importantes mesures déployées en termes de soutien aux entreprises et aux ménages – sont rapidement devenues la norme à travers le monde. Cependant, l’un des enseignements de la politique d’assouplissement quantitatif (QE) menée suite à la crise financière de 2008 est qu’il est très difficile de sortir de telles mesures une fois celles-ci intégrées au système économique. Il est probable qu’il en soit de même cette fois-ci s’agissant des divers plans de soutien et mesures de contrôle décidés par les pouvoirs publics dans le contexte du Covid-19. En outre, ces mesures devraient faire s’envoler les ratios de dette publique sur PIB de nombreux pays dans le monde entier d’ici la fin de cette année.

  • L’impact sociétal est particulièrement fort en Europe et aux États-Unis.

Le Covid-19 est en train d’avoir un impact sociétal significatif sur la plupart des grands pays du monde, développés comme émergents. L’impact devrait toutefois s’avérer plus fort en Europe et aux États-Unis qu’en Asie-Pacifique, où de nombreux pays disposaient déjà de solides protocoles de lutte contre les pandémies, grâce à l’expérience acquise lors des crises de santé publique de ces dernières décennies, notamment celles du SRAS et du MERS.

Impact sur les marchés immobiliers

  • Le secteur immobilier est sorti renforcé de la crise financière de 2008.

Si une propagation de la crise à l’immobilier ne peut être exclue, le secteur paraît mieux préparé pour affronter la crise actuelle qu’il ne l’était pré-2008, notamment grâce à son institutionnalisation. Divers facteurs tels qu’une meilleure gouvernance, des réglementations plus strictes et un effet de levier plus faible employé au cours du dernier cycle font que les investisseurs sont, dans l’ensemble, mieux préparés pour faire face à la tempête qui s’annonce.

  • Certains segments des marchés immobiliers locatifs vont être particulièrement impactés.

Les secteurs immobiliers dont la demande repose sur une utilisation intensive des espaces vont être durablement impactés. L’effet sera le plus prononcé pendant la crise sanitaire elle-même, la législation en vigueur dans certains pays d’Europe et des Etats-Unis permettant à de nombreux locataires de suspendre le paiement de leur loyer jusqu’à ce que les conditions d’occupation se normalisent. L’impact devrait également persister durant la période d’inquiétude et d’incertitude vis-à-vis d’une potentielle résurgence du virus qui s’en suivra. Le commerce de détail, les loisirs, l’hôtellerie le co-working comptent parmi les secteurs les plus exposés à la crise, même si tous en ressentiront à un moment ou un autre les effets.

  • Les tendances actuelles devraient s’accélérer.

La pandémie de Covid-19 devrait accélérer et exacerber plusieurs tendances de fond sur lesquelles les investisseurs immobiliers avaient déjà commencé à capitaliser ces dernières années :

    • L’essor du e-commerce. Au-delà des fermetures de court terme, les mesures de distanciation sociale constituent une menace importante pour le commerce physique. Déjà mis à mal par la croissance du e-commerce, les retailers vont être confrontés à des difficultés supplémentaires et le déclin des taux d’occupation et des valeurs vénales amorcé ces dernières années devrait se poursuivre.
    • L’amélioration des chaînes d’approvisionnement. Le commerce – tant physique qu’en ligne – ainsi que les opérateurs logistiques sont sous pression pour améliorer la résilience des chaînes d’approvisionnement et accroître leur capacité à répondre aux demandes de leurs clients.
    • Les pratiques de travail flexibles. Pour de nombreuses entreprises de services, le Covid-19 sert de test grandeur nature du déploiement généralisé du télétravail. S’il ne faut pas surestimer l’impact durable du Covid-19 sur les pratiques de travail, il est probable que de nombreuses entreprises réalisent qu’elles peuvent réduire leur utilisation d’espaces de bureau via une efficacité opérationnelle accrue et l’optimisation des modalités de télétravail.
  • Les dynamiques de long terme restent les mêmes.

La crise étant de nature exogène, les facteurs de long terme existants qui influencent le processus de formation des prix et créent les opportunités dans le secteur immobilier, tels que le vieillissement de la population, la diminution de la part des actifs et la croissance plus faible de la productivité, ne sont dans l’ensemble pas affectés. Par ailleurs, bien qu’il soit possible que l’inflation augmente temporairement, la crise actuelle ne devrait pas entraîner une remontée spectaculaire des taux d’intérêt. En effet, si la prime de risque augmente en raison des incertitudes relatives aux flux de trésorerie à court terme, il n’existe aucune raison structurelle pour qu’elle reste durablement plus élevée qu’avant la crise.

  • Des opportunités se présenteront au sortir de la crise.

Même si la crise s’avère grave et que le retour à la normale prend un certain temps, des opportunités à des prix attractifs devraient bientôt se présenter aux investisseurs disposant de réserves de capital immédiatement disponibles. Une fois la chute des prix terminée, ou si les marchés évitent de graves dommages, les investisseurs devraient ensuite revenir à la plupart des thèmes structurels qui ont dominé le paysage de l’investissement immobilier ces dernières années, à savoir notamment l’expansion de la logistique, la demande pour le secteur résidentiel locatif et les stratégies d’investissement socialement responsables.

Peter Hayes , Juin 2020

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