Détecter les signaux d’alerte : comment gérer les risques liés aux actions européennes

Les investisseurs demandent souvent comment on peut allouer des capitaux aux actions européennes compte tenu de la pléthore de risques politiques. Nous leur répondons qu’il suffit de combiner une sélection rigoureuse des actions à des outils de gestion des risques afin de détecter d’éventuelles menaces imprévues pour le portefeuille.

Les questions de ce type ont culminé au plus fort de la crise de la dette européenne de 2011. Aujourd’hui, les incertitudes entourant le Brexit, la politique italienne et les perspectives de croissance européenne les font redevenir omniprésentes, de même que les répercussions potentielles des guerres commerciales, les troubles qui agitent les marchés émergents et les perspectives de croissance mondiale.

Gérer les risques via la sélection des valeurs

La première étape d’une gestion efficace des risques fondamentaux consiste à savoir ce qui pourrait mal se passer à l’échelle de l’entreprise.

Des études approfondies au niveau de l’entité et du secteur sont essentielles, par exemple, pour déterminer dans quelle mesure les revenus d’une entreprise sont sensibles aux changements de l’environnement macroéconomique et pour identifier les risques environnementaux, sociaux ou de gouvernance qui pourraient nuire aux performances.

Cependant, la vision des analystes – y compris des meilleurs – peut être faussée par un angle mort. Il est de ce fait important de remettre nos propres perspectives en question. Dans certains cas, on peut le faire en rencontrant des vendeurs à découvert qui travaillent habituellement pour des fonds spéculatifs. Si ces intervenants essayent de tirer profit de la baisse du cours d’une action, c’est en raison de leur opinion négative à l’égard des perspectives de l’entreprise. En s’entretenant avec eux, les investisseurs privilégiant une stratégie d’achat peuvent identifier des failles potentielles dans leur thèse d’investissement. Nous pouvons ainsi être conduits à réviser des hypothèses clés ou à revoir nos prévisions de performance afin de tenir compte de risques que nous sommes susceptibles de ne pas avoir détectés à l’origine.

L’analyse typologique comble cet angle mort

L’analyse typologique des risques offre un complément intéressant aux outils traditionnels d’évaluation des risques. Cette technique cherche à identifier des sources corrélées de risque susceptibles de passer inaperçues pour des modèles quantitatifs de gestion des risques ou des analystes fondamentaux.

L’analyse typologique est une technique d’intelligence artificielle qui segmente les actions en groupes dont les performances ont évolué de façon corrélée au cours des derniers mois. Elle peut par exemple aider à distinguer des groupes d’actions au sein d’un secteur ou d’une industrie qui tireront profit d’un contexte d’engouement pour le risque, lorsque les marchés rémunèrent les actifs plus risqués, et d’autres groupes susceptibles d’être plus alignés dans un contexte d’aversion au risque.

Les constatations peuvent aller à l’encontre de la sagesse populaire. Par exemple, si les industrielles sont généralement considérées comme des actions bénéficiant d’une appétence au risque, certaines entreprises du secteur sont dotées de modèles économiques qui les rendent plus défensives. À l’inverse, la santé est fréquemment vue comme un secteur défensif, mais certains fabricants de médicaments dont la gamme de produits est réduite ou dont les brevets vont expirer prochainement sont susceptibles d’être beaucoup moins défensifs qu’on ne le pense.

Découvrir des corrélations surprenantes

L’analyse typologique peut révéler des caractéristiques pour le moins surprenantes. Nous avons par exemple récemment découvert des caractéristiques de performance similaires entre une sélection d’entreprises technologiques, industrielles, de matières premières et chimiques. Les raisons de ces corrélations sont loin d’être toujours évidentes. Mais, même en l’absence d’explication, l’identification de la corrélation peut aider un gérant de portefeuille à éviter d’être excessivement exposé à un risque non identifié.

Dans un autre cas, nous avons découvert l’an dernier une évolution curieuse du comportement boursier d’une compagnie des eaux britannique. Dans le passé, ce titre évoluait à l’image de ses pairs des services publics, lesquels sont habituellement considérés comme défensifs. À un moment donné, le titre a commencé à avoir un comportement boursier similaire à celui des distributeurs britanniques, qui sont beaucoup plus cycliques. Ce changement pourrait avoir été lié à la montée du Parti travailliste dans les sondages britanniques, sa politique étant ouvertement favorable à une nationalisation d’actifs – comme les services de l’eau. Cette rupture potentielle pourrait considérablement élargir la gamme des évolutions possibles du titre. Qu’elle qu’en soit la raison, le profil de risque de cette entreprise de service public a beaucoup évolué, ce qui devrait entraîner une révision de son rôle en tant que stabilisateur défensif au sein d’un portefeuille.

Il est primordial d’identifier de nouvelles manières de détecter des risques imprévus avant de tirer la sonnette d’alarme. Une analyse typologique systématique peut aider les investisseurs à relier les évolutions des comportements des actions à des risques externes, comme des guerres commerciales ou le Brexit, qui sont susceptibles de passer sous les radars des outils usuels de gestion des risques. La prise de contact avec des vendeurs à découvert peut contribuer à affiner la recherche fondamentale. L’adjonction de ces deux techniques à des modèles plus traditionnels de traitement des risques permet d’améliorer la gestion des risques d’un portefeuille d’actions européennes aujourd’hui. Elle aidera aussi les investisseurs à construire un portefeuille générateur de flux de performances qui lui sont réellement propres et que des évolutions politiques ou macroéconomiques préjudiciables auront peu de chance de déstabiliser.

Tawhid Ali , Mai 2019

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