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Des signes de prise en compte du marché obligataire

Les signaux conciliants de la Fed ont permis d’éviter une hausse des taux d’intérêt, malgré un chômage en baisse et une hausse de l’inflation. Mais l’optimisme des investisseurs va-t-il perdurer ?

C’est le mystère financier de 2014 : dans un contexte de baisse du chômage et de hausse de l’inflation, pourquoi les taux d’intérêt restent-ils faibles ? Réponse : parce que la présidente de la Fed, Janet Yellen, a assuré aux marchés financiers que la banque centrale ne relèverait pas les taux d’intérêt de référence à court terme. Habituellement peu conciliant, le marché obligataire a joué le jeu, mais le vent tourne, et lorsque cela se produira, le secteur des titres à revenu fixe va entrer dans une zone de turbulences.

Le moindre signe de resserrement de la politique monétaire met généralement le marché obligataire dans tous ses états. Les rendements du bon du Trésor sur dix ans ont gagné près d’un point de pourcentage dans les quatre mois qui ont suivi l’annonce en mai 2013 de l’ancien président de la Fed, Ben Bernanke, d’une réduction possible des achats d’actifs de la banque centrale « dans les séances à venir. »

La banque a retardé la fin de son programme de rachat d’actifs pendant sept mois jusqu’en décembre. Le processus se poursuit actuellement. Ce qui nous ramène au mystère. Les rendements des bons du Trésor sur dix ans ont reculé depuis le début de la réduction des rachats d’actifs : de 3% en début d’année à 2,58% au 8 juillet, malgré une amélioration du marché du travail et des signes d’inflation.

Combien de temps cette décorrélation apparente tiendra-t-elle ?

James Sweeney, Chief Economist de la banque d’investissement du Credit Suisse, explique que quatre conditions économiques doivent être remplies pour que la hausse des taux d’intérêt soit supérieure aux prévisions de la Fed et indépendantes de ces dernières. Une seule de ces conditions était remplie en avril, deux autres le sont actuellement, et les quatre devraient l’être d’ici la fin de l’année. Un marché dont les prix sont actuellement calculés sur la base d’une hausse des taux en septembre 2015 pourrait alors avancer ses prévisions. Ci-dessous une vue d’ensemble des quatre conditions.

1. Les marchés du crédit en effervescence : cela s’est déjà produit il y a un moment

Mi-juillet, les investisseurs en créances à rendement élevé payaient en moyenne une prime de 3,48 points de pourcentage par rapport aux bons du Trésor, une prime nettement inférieure à l’écart de 5,11 points déjà historiquement faible de la même période l’année dernière et à des années lumières des 21,82% atteints en décembre 2008. En termes de rendement absolu, le rendement moyen de 5,29% des obligations à rendement élevé est le plus faible enregistré depuis dix ans. La crainte de voir un resserrement des écarts de crédit et une faible volatilité de marché menacer la stabilité financière a incité la présidente de la Fed de Kansas City, Esther George, à demander le relèvement des taux d’intérêt à court terme plus rapidement que prévu dans l’étude rapide de marché de la Fed. Le 3 juillet, Jabet Yellen a toutefois déclaré qu’un resserrement de la politique monétaire basé sur des préoccupations concernant la stabilité financière ne lui semblait pas nécessaire à court terme.

2. Taux d’inflation à 2% : tout juste atteint

L’inflation de l’IPC fondamental, qui ne tient pas compte des prix de l’énergie et de l’alimentation, a progressé régulièrement en 2014, passant de 1,6% en janvier à 2% en mai. Des stratégistes de taux du Credit Suisse ont indiqué dans un rapport le mois dernier que Mme Yellen avait écarté les préoccupations relatives à l’inflation pour le moment, « qualifiant les signes de hausse de l’inflation de ’nuisances’ et adoptant un ton relativement conciliant tout en reconnaissant plusieurs fois le degré élevé d’incertitudes. » Selon eux, avec ce type de discours, la Fed prend le risque de prendre du retard au moment où le marché réagira à la hausse de l’inflation.

3. Amélioration de la dynamique de croissance mondiale : en cours

La croissance de la production industrielle mondiale (mesurée sur une période glissante annualisée de trois mois) est passée de 5,3% en novembre 2013 à 3,4% en juin. Ce ralentissement est lié à des facteurs régionaux spécifiques, principalement l’effet combiné d’un hiver rude et d’un stock excédentaire aux Etats-Unis. L’équipe du Credit Suisse dédiée aux obligations explique toutefois que l’amélioration des chiffres de la production américaine et l’augmentation des nouvelles commandes dans les dernières études sur l’indice des directeurs d’achat indiquent que la dynamique de croissance de la production industrielle était au plus bas en juin. L’équipe prévoit une accélération au quatrième trimestre, et une croissance du PIB mondial de 3,3% au second semestre.

4. Un taux de chômage inférieur à 6% : probable d’ici la fin de l’année

Le taux de chômage a atteint 6,1% aux Etats-Unis en juin. Les économistes du Credit Suisse prévoient un recul à 5,8% d’ici la fin de l’année, non loin de la fourchette de 5,2-5,5% dans laquelle la Fed considère que le marché est en situation de « plein emploi. » Le 18 juin, lors d’une conférence de presse, Mme Yellen a déclaré que la diminution du taux de participation à la vie active traduisait la faiblesse persistante du marché du travail. Elle a ajouté que si les travailleurs mécontents se remettent à chercher du travail dans un contexte de reprise économique, le rythme de diminution du chômage devrait ralentir. Mais une récente étude des économistes du Credit Suisse indique que la diminution des taux de participation est plus structurelle que cyclique et que même si le chômage baissait de 1% dans l’année à venir, le taux de participation ne progresserait que de 0,05 à 0,1 point de pourcentage, ce qui ne correspond pas aux prévisions de Mme Yellen.

Les signaux conciliants de la Fed sont compréhensibles dans le contexte actuel. L’activité économique, bien que croissante, n’a pas atteint le niveau souhaité. Le PIB américain, par exemple, ne devrait croître que de 1,5% cette année, le plus faible taux de croissance depuis 2009. Mais l’accalmie pourrait ne pas durer. Dès le mois prochain, le Credit Suisse prévoit un rééquilibrage des prévisions de la Fed avec un mouvement de sortie des banques centrales de plus de cinq ans de taux d’intérêts quasi nuls. Alors, la prise en compte tant attendue des marchés obligataires pourra enfin se concrétiser.

Ashley Kindergan , Juillet 2014

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