De l’importance de gérer la volatilité en 2018

À l’aube de 2018, nous avions souligné que les valorisations boursières élevées enregistrées l’année dernière allaient de pair avec une conjoncture idéale (« Boucle d’or »), mais que les incertitudes grandissantes relatives à l’inflation et à la politique monétaire assombriraient les perspectives, comme en témoigne la volatilité observée sur les marchés financiers au premier trimestre.

  • Notre allocation d’actifs favorable au risque repose toujours sur une poursuite de la tendance positive des échanges mondiaux.
  • Une surchauffe économique, qui se traduirait par une forte hausse du coût du capital, et une montée du protectionnisme sont les deux risques pesant sur notre scénario central.

Malgré cet environnement économique solide, et après avoir enregistré une performance record en janvier, les marchés financiers ont été passablement chahutés au cours des dernières semaines. En février, l’indice VIX, qui mesure la volatilité des marchés actions, a franchi la barre des 35 points – un niveau inégalé depuis l’effondrement des matières premières et la crise du renminbi en août 2015. Sur fond de normalisation de l’inflation et des politiques monétaires, la hausse des taux réels américains semble avoir déclenché cette correction boursière, alimentée plus récemment aussi par des craintes relatives aux tensions commerciales, à la confidentialité sur Internet et aux dissensions politiques. De fait, un changement de dynamique de la volatilité est intervenu sur les marchés financiers au cours du trimestre (vers un retour à la normale), qui requiert flexibilité et discipline d’investissement.

Nous pensons toujours que la tendance positive observée dans les échanges mondiaux se poursuivra en 2018 et qu’elle continuera de soutenir les actifs et les secteurs cycliques. Les risques qui pèsent sur notre scénario central sont une surchauffe économique, qui se traduirait par une forte hausse du coût du capital, ou une montée du protectionnisme. Au chapitre des taux d’intérêt, nous pensons que les taux réels américains à 10 ans peuvent encore augmenter de 80 points de base (pb) avant de véritablement peser sur les marchés actions. Pour ce qui est de la menace protectionniste, nous sommes convaincus que les déclarations de Donald Trump participent surtout d’une stratégie de négociation qui ne devrait pas aboutir à une guerre commerciale mondiale. Les nombreuses exemptions de droits de douane sur l’acier et l’aluminium finalement consenties par les États-Unis étayent cette opinion. Et même si les mesures de représailles récemment annoncées par les autorités chinoises sont un sujet de préoccupation, les deux plus grandes économies du monde semblent encore ouvertes au dialogue – dans la mesure où elles traitent sur un pied d’égalité.

Pour l’heure, notre positionnement favorable à la croissance reste fondé et justifie une surpondération des actions. La publication de résultats robustes au titre du quatrième trimestre 2017 a témoigné de la solidité des fondamentaux à l’échelle mondiale.

Aux États-Unis, en Europe et au Japon, les entreprises ont fait état de résultats supérieurs aux attentes, forts d’une croissance des ventes avoisinant les deux chiffres et d’une augmentation à deux chiffres du bénéfice par action (BPA), le tout assorti de prévisions positives en termes de croissance et de dépenses d’investissement.

Certes, certains indicateurs avancés ont commencé à fléchir, à partir de niveaux historiquement élevés, mais ce repli n’a rien de surprenant après plus de 18 mois d’une tendance haussière pratiquement ininterrompue.

L’environnement macroéconomique mondial étant favorable, il est peu probable que des phases boursières correctives débouchent sur un marché baissier. Avec un PER pour 2018 inférieur à 17 fois pour le S&P 500 et à 14 fois pour l’Euro Stoxx 600, nous considérons les épisodes de volatilité comme des opportunités d’achat. Aussi avons-nous récemment étoffé notre exposition aux actions.

Au plan régional, la conjoncture mondiale devrait particulièrement étayer les bénéfices du Japon et des marchés émergents, ces derniers bénéficiant également de la reprise de leurs économies nationales et de l’amélioration des perspectives pour l’univers des matières premières. En Europe, l’incertitude associée aux élections générales italiennes ayant été levée, les marchés devraient se redresser à la faveur de valorisations attrayantes, d’une reprise tirée par la demande intérieure (nos prévisions pour le PIB européen en 2018 vont de pair avec une croissance à deux chiffres du BPA) et de la dissipation des effets de change défavorables. Le marché américain, dont le cycle économique est le plus avancé, devrait faire l’objet de plus de prises de bénéfices : les valorisations affichent un potentiel haussier limité et les conditions monétaires devraient se durcir. Au niveau des secteurs, les craintes des investisseurs alimentent la volatilité et les prises de bénéfices dans les technologies de l’information, un secteur suracheté qui surperforme depuis quatre ans. Nous n’irions toutefois pas jusqu’à remettre en question la tendance séculaire sous-tendant les valorisations de ce secteur. En termes de style, il convient de noter que notre préférence pour les petites capitalisations a porté ses fruits. Malgré un bêta historiquement plus élevé, leur biais en faveur du marché national semble les avoir quelque peu protégées contre les craintes d’une guerre commerciale.

Étant donné la sensibilité des marchés actions mondiaux à la perception du risque associé aux États-Unis, nous avons étoffé notre exposition aux actions avec prudence. Afin de contenir notre niveau de risque global, nous avons décidé d’augmenter dans le même temps la détention de liquidités. En effet, nous pensons toujours que l’univers obligataire offre une capacité de couverture limitée. Ainsi donc nous préférons maintenir l’exposition aux obligations gouvernementales au minimum et sous-pondérer les marchés du crédit.

Le rendement américain à 10 ans a augmenté d’environ 40 pb depuis le début de l’année, pour atteindre presque 2,8%. Contrairement à ce qui s’est passé au second semestre 2017, cette hausse s’explique principalement par la composante des taux réels (voir graphique XII, page 10 du document joint). Les rendements ont grimpé jusqu’à la mi-février, avant de se replier au cours des dernières semaines, les turbulences dans les technologies de l’information ayant légèrement accru la demande pour la dette gouvernementale jugée plus sûre. S’agissant des prévisions en matière d’inflation, leur normalisation autour de 2,1% (conformément au point mort à 10 ans américain) semble bien avancée. Elles sont désormais en ligne avec notre scénario central. Les marchés américains ont intégré les trois hausses de taux d’intérêt annoncées par la Fed pour 2018. Une réévaluation des attentes concernant la politique monétaire américaine pour 2019 et au-delà reste possible, mais les investisseurs préfèreront jauger l’orientation du nouveau Federal Open Market Committee (FOMC) avant de modifier leurs prévisions de moyen terme. Cela étant, certains facteurs structurels, comme la croissance potentielle plus modeste, devraient empêcher une forte remontée des taux d’intérêt et accentuer l’aplatissement de la courbe des taux américains l’année prochaine.

Les taux d’intérêt américains se rapprochent donc de ce nous considérons comme leur juste valeur, mais nous pensons qu’il est probablement encore trop tôt pour renforcer notre exposition, en particulier à la lumière des pressions supplémentaires qui pourraient apparaître en Europe au cours des prochains mois.

Depuis le lancement du programme de rachats d’actifs de la BCE, les rendements européens à long terme semblent extrêmement décorrélés des fondamentaux. Le semblant de normalisation observé aux mois de janvier et février (le taux réel à 10 ans pour l’Allemagne a augmenté de 40 pb) a en grande partie été effacé en mars par les craintes d’une guerre commerciale mondiale. Cette surévaluation des rendements des pays européens du noyau dur devrait s’inverser dès que les turbulences du marché s’apaiseront et que la BCE annoncera aux marchés une normalisation de sa politique monétaire. Dans ce contexte, la dette des pays de la périphérie devrait offrir de meilleures perspectives sur une base relative.

Sachant que les conditions financières favorables soutiennent les entreprises et empêchent une augmentation des défaillances, nous continuons de préférer le crédit aux obligations souveraines. Il n’en demeure pas moins que cette classe d’actifs a perdu de son attrait. La duration des indices a atteint des sommets historiques (5,4 actuellement en Europe, contre 3,8 en 2012), accroissant sa vulnérabilité à la volatilité des taux d’intérêt. En conséquence, nous pensons qu’une position conjuguant actions et liquidités (de manière à ajuster le risque) offre une meilleure valeur relative qu’une exposition au crédit.

Les obligations convertibles et les obligations des marchés émergents offrent toujours un meilleur potentiel, selon nous.

Le profil de rentabilité/risque des obligations convertibles est attrayant dans les conditions de marché actuelles. En effet, cette classe d’actifs devrait profiter de son exposition aux phases haussières des marchés actions, tandis que la valeur de l’option a tendance à augmenter pendant les périodes plus volatiles, sans oublier la duration plus faible de l’obligation. Concernant la dette émergente, la stabilité de la croissance et la faiblesse de l’inflation devraient permettre aux banques centrales de conserver une politique monétaire globalement accommodante (la Russie, l’Afrique du Sud et le Brésil ont même réduit leurs taux d’intérêt en mars). Compte tenu des prévisions de stabilisation du dollar américain au cours des prochains trimestres, les obligations émergentes devraient rapidement retrouver la faveur des investisseurs car elles représentent l’une des dernières poches de rendement parmi les marchés obligataires.

Le marché le moins volatil dans les mois à venir devrait être celui des changes. Après avoir fortement chuté en janvier, le dollar américain se stabilise. Le marché intégrant désormais largement le bouclement du programme de rachat d’actifs de la BCE et l’amélioration des perspectives de croissance dans la zone euro, la monnaie unique paraît moins sous-évaluée. Nous ne pensons pas qu’un nouveau raffermissement soit de mise avant que la BCE ne précise l’orientation future de sa politique monétaire. Par conséquent, nous avons maintenu notre objectif à moyen terme de 1,25 pour la paire à EUR/USD. En l’absence de signes d’inflation en Suisse, il est peu probable que la Banque nationale suisse (BNS) change d’orientation au cours des prochains mois, si bien que le franc suisse devrait évoluer sans cap ni tendance par rapport à l’euro. En termes de valorisation, la livre sterling et le yen sont les cas les plus extrêmes. La livre sterling devrait rester fortement tributaire des négociations sur le Brexit, mais nous avons pris en début d’année une position longue dans le yen. Au trimestre dernier, nous avions déjà souligné la forte asymétrie entre positionnement court très saturé et important potentiel de revalorisation. Étant donné la reprise de l’activité économique et les attentes en matière d’inflation, la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque du Japon sera vraisemblablement remise en question dans le courant de 2018. La position courte dans la paire USD/JPY ouverte en janvier a déjà été payante, grâce d’abord à l’affaiblissement du dollar américain puis au raffermissement du yen, qui a confirmé son traditionnel statut de valeur refuge. Nous conservons cette position dans l’attente de nouvelles déclarations de la Banque du Japon sur une possible stratégie de sortie. Aussi avons-nous abaissé notre objectif à moyen terme à 100 pour la paire USD/JPY. Le yen reste fortement sous-évalué en parité du pouvoir d’achat (PPA).

Enfin, les matières premières ont bien résisté aux turbulences boursières, fournissant l’effet de diversification espéré malgré leur bêta élevé et leur vulnérabilité au mouvement de réduction des risques des stratégies systématiques. Le cours du Brent fluctue autour de notre objectif à moyen terme d’USD 64 le baril mais a récemment bénéficié de l’intensification des risques géopolitiques (et du possible durcissement de ton de la nouvelle équipe de politique étrangère américaine sur le Venezuela et l’Iran). L’or a retrouvé la faveur des investisseurs, comme en témoignent les positions en ETF. S’agissant des métaux de base, le positionnement spéculatif sur le cuivre a chuté durant le pic de volatilité. À l’avenir, les performances des matières premières seront probablement tirées par l’évolution du côté de l’offre (pays de l’OPEP – Organisation des pays exportateurs de pétrole – et producteurs de schiste américains sur le marché pétrolier ainsi que baisses des dépenses d’investissement dans les métaux de base). Par conséquent, la corrélation de cette classe d’actifs avec les actions devrait être moins importante que par le passé, tandis que le risque baissier est limité par la tendance favorable de la demande. Nous maintenons donc notre légère surpondération.

Gregory Lenoir , Sophie Chardon , Mai 2018

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