Contago, Backwardation, Long Only, Relative Value : Concepts et stratégies sur le marché des commodities

Thomas Della Casa, Head of Research, Analysis and Strategy chez Man Investments analyse les principales stratégies des hedge funds sur les marchés des matières premières...

Thomas Della Casa est responsable du département « research, analysis and strategy » chez Man Investments. Il analyse les développements macroéconomiques et leurs implications en terme d’opportunités au sein de l’industrie de la gestion alternative, notamment dans le domaine des matières premières. Il répond à nos questions à propos des principales stratégies des hedge funds pour cette classe d’actifs si particulière.

Quel est l’intérêt pour un investisseur sur les matières premières de se positionner sur des produits alternatifs plutôt que sur des indices « long only » ?
Tout d’abord, il est important de préciser qu’historiquement les matières premières ont connu des performances relativement cycliques : sur longue période les phases de hausse alternant avec des phases de baisse. Ensuite, il convient de rajouter qu’en dépit de la tendance de fonds haussière des prix des matières premières ces dernières années, les rendements offerts par cette classe d’actifs pour les investisseurs « long only » ont souvent été décevants du fait de la présence de « contango » sur les marchés (ndlr : situation où les prix à terme sont supérieurs au prix au comptant). C’est la raison pour laquelle je pense qu’il est plus intéressant pour un investisseur de se positionner sur des produits alternatifs plutôt que sur des indices. En effet, les « hedge funds » de matières premières offrent aux investisseurs, une protection, à la fois, en cas de cycle de prix baissier mais également dans les situations de « contango » du fait notamment d’une meilleure gestion du risque en cas de retournement de marché mais également de leur possibilité de vente à découvert.

Que signifie exactement la notion de « contango » sur un marché de matières premières ? Pouvez-vous nous en expliquer les conséquences pour un investisseur « long only » par exemple ?
Les indices de matières premières sont investis sur un panier de contrats à terme et non sur le marché physique. Par conséquent, en achetant ces indices, les investisseurs sont exposés à un risque de base, c’est-à-dire au risque lié à la différence entre le prix au comptant (physique) et le prix à terme de la matière première. Si cette différence est négative, on se trouve alors en situation de « contango » qui va couter de l’argent à l’investisseur même si le prix au comptant de la matière première reste inchangé. En effet, à mesure que le temps s’écoule, le prix à terme va progressivement rejoindre le prix au comptant plus faible. L’explication en est toute simple : le prix à terme d’une matière première est égal à son prix au comptant auquel s’ajoutent, en autres, les frais de stockage et d’assurance des marchandises, qui expliquent cette différence de prix avec le marché physique.
Cependant, il peut arriver une configuration où le prix au comptant soit supérieur au prix à terme, cette fois-ci favorable à l’investisseur. On parle alors de « backwardation », généralement provoquée par des tensions exceptionnelles sur les prix au comptant, l’offre ne pouvant plus faire face à la demande. Ce cas s’est, par exemple, présenté l’an dernier, sur le marché de l’étain où un fonds spéculatif avait asséché le marché en contrôlant la plus grande partie des stocks mondiaux.

Quels sont les produits et les principales stratégies utilisées par les hedge funds sur les matières premières ?
En termes de produits, les hedge funds privilégient en général les marchés offrant à la fois une liquidité suffisante mais également une absence du risque de contrepartie. Les principaux marchés à terme, où sont cotés les matières premières, répondent à ces deux critères au regard des volumes qui y sont échangés mais également du fait de la présence d’une chambre de compensation dans leur fonctionnement. Il s’agit notamment du LME (London Metal Exchange), de l’Intercontinental Exchange (ICE) mais surtout du CME Group regroupant aujourd’hui le Chicago Mercantile Exchange (CME), le New York Mercantile Exchange (NYMEX), le CBOT (Chicago Board Of Trade) et le COMEX (New York Commodities Exchange).

En termes de stratégie, les hedges funds utilisent deux principaux types de stratégies : les stratégies directionnelles d’une part et celles dites de « relative value » d’autre part. Pour les stratégies directionnelles, la philosophie d’investissement est très simple et similaire à celle observée sur d’autres classes d’actifs. Comme son nom l’indique, il s’agit tout simplement de tirer profit de la direction d’un marché à la hausse ou à la baisse. A titre d’illustration, c’est d’ailleurs ce que fait AHL, le hedge fund interne du groupe Man Investments, de type « Managed Futures », sur une partie de son portefeuille pesant 21.7 milliards de dollars d’encours sous gestion. Quant aux stratégies de relative value, l’idée est cette fois de tirer profit de la direction d’un spread (ndlr : différence de prix entre deux marchés) soit en anticipant que ce spread va augmenter ou bien inversement se contracter.

Est-il possible d’avoir un exemple de stratégie de « relative value » ?
Je vais, par exemple, vous donner l’exemple d’une opération effectuée l’an dernier par un hegde fund bien connu, actif sur le LME, le marché des métaux de base à Londres. Malgré la crise financière, le gérant de ce fonds anticipait en début d’année 2009 une poursuite des achats de cuivre par la Chine pour faire face à ses besoins notamment dans le domaine de la construction. Par contre, ce même gérant pensait que l’aluminium, utilisé dans l’industrie automobile et aéronautique souffrirait du ralentissement économique observé dans ces deux secteurs sur la même période de temps. En conséquence, ce hedge fund a mis en place une stratégie de relative value en achetant le spread cuivre/aluminium (ndlr : achat du cuivre et vente simultanée d’aluminium), anticipant un accroissement de leur différence de prix. Le moins que l’on puise dire est que cette idée s’est révélée très profitable l’an dernier !

Existent-t-il des stratégies intervenant sur le marche physique ?
Le marché physique reste un marché de niche, réservé à un nombre restreint d’intervenants très spécialisés. Il s’agit notamment des négociants en matière première. Les plus connus d’entre eux sont Cargill, Glencore, Louis Dreyfus ou encore Noble. En effet, pour intervenir sur ces marchés, il est souvent nécessaire de posséder des capacités de stockage et d’investir dans une vision à moyen et long terme en règle générale, ce qui n’est guère la philosophie des fonds spéculatifs !

Quel peut être l’impact de la CFTC pour limiter la spéculation sur la marche des matières premières ?
Limiter la spéculation sur les marchés de matières premières sera difficile. Je pense que la solution choisie par la CFTC n’est pas le meilleur choix possible. D’après moi, l’impact de ces mesures sera marginal. Par ailleurs, je tiens à ajouter qu’à mon sens, la meilleure régulation étant la « self régulation ». Comme tout le monde le sait, en l’absence de coordination internationale et face au développement croissant des « dark markets » sur le marché OTC (« Over The Counter »), un durcissement trop draconien des règles risque d’inciter les traders à quitter les bourses de commerce Américaines pour s’établir sur d’autres places financières plus accueillantes, à leurs yeux......Enfin, en dernier lieu, il est important de préciser que la plupart des stratégies alternatives sur les matières premières ont des actifs sous gestion relativement faibles (ndlr : inferieurs à des encours d’un milliard de dollars), et seront, en conséquence, peu concernés par ces nouvelles règles.

RF , Mars 2010

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