Avez-vous toujours soif de rendement ?

Dans les prochaines années, les investisseurs devront s’habituer à une nouvelle donne sur les marchés du revenu fixe : les rendements de cette classe d’actifs seront nettement plus modérés que par le passé. Quelle sera alors la meilleure stratégie ?

Quel rendement total les investisseurs en obligations peuvent-ils attendre dans un contexte où les écarts de crédit de niveau « investment grade » sont faibles, les taux d’intérêt bas et la reprise mondiale timide ? « 1% à 2% peut-être, pas davantage » : telle serait la réponse la plus courante à l’heure actuelle. Cette perspective n’a rien de motivant pour les investisseurs qui ont été habitués à des chiffres plus élevés au cours des 20 dernières années. En effet, bon nombre d’entre eux préféreraient, évidemment, dégager 3% ou 4% de rendement avec leur portefeuille à revenu fixe. Seront-ils récompensés s’ils prennent plus de risque ?

Composants du portefeuille

Souvenez-vous de l’histoire des trois petits cochons. « Quoi que vous fassiez, faites-le de votre mieux ». Voilà ce que dit leur mère avant qu’ils ne quittent la maison. Au fil du récit, on apprend que le premier petit cochon a construit sa maison en paille, le second en bois et le troisième en brique. On découvre aussi que seul celui qui avait la maison la plus solide a échappé au loup affamé.

Dans notre version, le loup symbolise le risque tandis que la paille, le bois et les briques sont les composants de notre portefeuille. Composants tels que taux d’intérêt, écarts de crédit et devises (pas nécessairement dans cet ordre). Lequel des trois est le plus solide, c’est-à-dire auquel donnons-nous la priorité ? Malheureusement, il est moins évident de tirer une conclusion pour les marchés financiers que pour les matériaux de construction.

Les banques centrales ont pris des mesures sans précédent pour redresser le système financier. Jusqu’à présent, leurs initiatives ont été couronnées de succès. Les taux d’intérêt restent bas et sont peu susceptibles d’augmenter sans inflation. Reste que tout stimulus perd son effet positif et peut même devenir dangereux si les marchés présument qu’il perdurera. C’est pourquoi la normalisation des taux d’intérêt est essentielle : sortir de la politique monétaire accommodante menée actuellement est une condition indispensable pour assurer une croissance durable à long terme. Une grande quantité d’argent frais a été injectée pour remédier aux problèmes de liquidités des banques, des entreprises et des ménages. Mais une partie n’a pas été affectée là où elle était le plus nécessaire. Ces sommes stagnent dans les bilans ou les comptes d’épargne, en attente d’une meilleure opportunité.

Des liquidités plus importantes encore ont afflué vers les marchés des capitaux et l’immobilier, réduisant le potentiel de performances futures.

Certes, le marché des actions semble mieux placé pour enregistrer de bons résultats en raison de la progression des marges bénéficiaires, de l’accélération de la croissance ou de la hausse des dividendes versés. Mais les actifs à revenu fixe n’en paraissent pas moins pleinement valorisés.

Où résident les opportunités ?

Les investisseurs en obligations doivent donc prendre plus de risques pour générer des rendements équivalents à ceux de ces dernières années. La réduction des rachats d’actifs de la Réserve fédérale américaine (Fed) étant désormais une réalité, certaines des stratégies qui avaient fait leurs preuves sont devenues moins attrayantes. Ainsi, maintenir une duration longue dans un portefeuille risque d’induire une sous-performance si les taux augmentent rapidement. Inversement, la courbe des rendements américains, par exemple, étant assez pentue, les investisseurs sous-performeront s’ils réduisent considérablement la duration.

Dans la mesure où la Fed continue de soutenir la partie courte de la courbe, les taux et les rendements resteront bas. Par conséquent, le raisonnement qui consiste à acheter des titres à long terme, à dégager quelques rendements et à tirer profit de l’effet de pente de la courbe demeure convaincant.

Mais d’un autre côté, pourquoi ne pas parier sur un resserrement supplémentaire des écarts de crédit ? Les bilans des entreprises se portent généralement bien et le niveau d’insolvabilité reste bas dans un contexte de progression relativement lente du PIB. Qui plus est, le fait que les volumes de fusions et acquisitions et de leveraged buyout (LBO) soient faibles par rapport aux niveaux d’avant la crise renforce l’attrait du crédit. Qu’en est-il du volume des nouvelles émissions ? Il est relativement élevé. Mais les rachats le sont également, ce qui, dans certains secteurs (le secteur financier, par exemple), réduit le volume des obligations en circulation. Les obligations d’entreprises continuent donc de bénéficier d’une demande vigoureuse de la part des investisseurs.

Dans un tel environnement, rien d’étonnant à ce que l’émission d’obligations subordonnées soit devenue très populaire, tant au sein du secteur financier que du secteur industriel.

Les investisseurs se sont également mis à ajouter à leur allocation des obligations à haut rendement, et ce pour les mêmes raisons : des coupons plus élevés et une probabilité de défaut actuellement faible. Cela entrainera une volatilité accrue et, très probablement, une baisse de la liquidité lorsque les écarts de crédit commenceront à s’accentuer.

Qu’en est-il du troisième composant, à savoir la devise ? Nombre d’investisseurs ont été attirés par les devises des pays émergents qui offrent un potentiel de rendements supérieurs en raison de leur appréciation face au dollar américain. Croissance plus soutenue que celle des marchés développés, ratios dette/PIB inférieurs et taux d’intérêt plus élevés : autant de facteurs qui ont aidé de nombreuses « nouvelles économies » à attirer des capitaux étrangers. Pourtant, le ralentissement de la croissance en Chine, la hausse des taux d’intérêt sur les marchés développés et les doubles déficits sur certains marchés émergents, comme le Brésil et la Turquie, ont poussé les investisseurs à remettre en question, l’année dernière, les niveaux d’écart.

La stratégie gagnante

Quelle stratégie donnera les meilleurs résultats en 2014 ? A vrai dire, nous ignorons où se trouve le loup et quand il attaquera. Ce sera peut-être dans un, deux ans ou dans plus longtemps. Par conséquent, une maison construite en paille est susceptible de dégager rapidement de bons résultats et d’offrir une protection suffisante à court terme. Nous estimons cependant que la simple stratégie « à bêta élevé » a fait son temps.

Les investisseurs devront se concentrer de plus en plus sur la qualité de leurs investissements. Ils devront également accroître leur diversification pour faire face à l’augmentation du risque idiosyncratique.

Le facteur liquidité ne doit pas non plus être oublié : les banques ne seront pas en mesure d’absorber autant de risque que par le passé en raison des nouvelles réglementations de Bâle III. Il pourrait donc devenir plus difficile de négocier des titres une fois que la volatilité du marché obligataire aura augmenté. Vous hésitez encore sur la conduite à adopter ? Peut-être avez-vous établi que maintenir une longue duration des écarts, réduire la duration des taux d’intérêt et couvrir le risque de change dans votre devise de référence pourrait être une stratégie gagnante ? Quelle que soit votre conclusion : appliquez-la de votre mieux !

Michael Schmid , Avril 2014

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